La marine israélienne a annoncé mercredi que son nouveau (…)
Destiné aux Antilles, le Dumont d’Urville, quatrième et (…)
Suite à la collision survenue en 2017 entre le destroyer USS Fitzgerald et un bâtiment de commerce, l’US Navy a déclenché une enquête interne. Le rapport cinglant énumère une liste beaucoup plus longue de problèmes, concernant le navire, son équipage et le commandement supérieur, que ce que la Navy avait publiquement reconnu jusqu’à présent. Cette “enquête à double objectif” était supervisée par le contre-amiral Brian Fort et les conclusions ont été remises 11 jours après la tragédie du 17 juin 2017. Elle a été maintenue confidentielle en partie parce qu’elle était destinée à préparer la Navy à d’éventuels procédures judiciaires à la suite de l’accident.
L’amiral Fort et son équipe d’enquêteurs soulignent des erreurs critiques commises par les veilleurs en passerelle au cours de la nuit de la collision avec le porte-conteneurs philippin ACX Crystal dans une route maritime très empruntée au large du Japon.
Leur rapport énumère les violations routinières, presque désinvoltes, des ordres permanents sur une passerelle où souvent ni le commandant ni le second n’étaient présents, y compris lors de trajets potentiellement dangereux, de nuit sur des routes maritimes très utilisées.
L’enquête montre comment la méfiance personnelle a conduit l’officier de quart, le lieutenant Sarah Coppock, à ne pas entrer en contact avec le centre nerveux du destroyer — le centre d’informations de combat ou CIC — alors que le Fitzgerald essayait de traverser une voie maritime.
Lorsque l’amiral Fort est entré dans le CIC jonché de détritus à la suite de l’accident, il a été frappé par l’odeur âcre de l’urine. Il a découvert des haltères russes (ou kettlebells) sur le sol et des bouteilles remplies d’urine. Certains équipements radar ne fonctionnaient pas et il a rapidement découvert des membres d’équipage qui ne savaient de toutes façons pas comment les utiliser.
Fort a constaté que le Système de Gestion de la Navigation était touché par plus de pannes que n’importe quel autre équipement électronique. Conçu pour permettre la navigation sans carte papier, la station située dans le bureau du commandant était en panne. Elle a donc été cannibalisée pour aider à faire fonctionner le système branlant.
Depuis 2015, le Fitzgerald n’avait plus d’officier marinier supérieur manœuvrier, un poste pourtant crucial pour aider à naviguer en sécurité et à former l’équipe de veille. Selon l’amiral Fort, cette absence était connue de l’escadrille à laquelle appartenait le destroyer et des responsables de la Navy à Washington.
L’amiral Fort a constaté que le moral de l’équipage était très bas ; que le rythme opérationnel était très élevé, au point que les marins épuisés n’avaient que peu de temps pour se former et obtenir des certifications pourtant indispensables.
Pour l’amiral Fort, les officiers semblaient indifférents à des leçons qui auraient pu sauver des vies, qui auraient dû être tirées d’autres incidents en mer, donc un survenu 5 semaines auparavant près de Sasebo, écrit l’amiral Fort.
Le rapport de l’amiral Fort a pris une plus grande importance encore après qu’un autre destroyer, lui aussi affecté la même 7è Flotte basée au Japon, le John S. McCain, est entré en collision avec le pétrolier libérien Alnic MC le 21 aout, faisant 10 marins décédés supplémentaires.
Lorsque l’amiral Fort est arrivé au bureau du lieutenant Coppock, dans le CIC, il a découvert une pile de documents administratifs abandonnés : « Elle avait très probablement passé les 3 heures et demi qui ont précédé la collision à une revue de documents administratifs du service Opérations, » indique le rapport.
« L’état-major du Fitzgerald n’avait pas conscience à quel point l’équipage avait dérivé sous les niveaux requis, » écrit l’amiral Fort. « Si le commandant et son second avaient tiré les enseignements d’une quasi-collision survenue quelques semaines auparavant, ils auraient identifié les principales causes. »
L’enquête de l’amiral Fort souligne que, régulièrement, les veilleurs ne respectaient pas les ordres permanents d’un commandant et d’un second qui, inexplicablement, étaient de leur côté absents de la passerelle, même alors que le bâtiment naviguait de nuit dans des eaux potentiellement dangereuses.
Ainsi, selon le rapport, par faible visibilité, l’équipe de veille qui finissait son quart, n’a pas identifié et pisté un navire qui se dirigeait vers eux. L’officier de quart prenant a manœuvré pour éviter la collision, mais n’a jamais informé le commandant. Les veilleurs ont reconnu d’autres occasions où des navires se sont approchés suffisamment pour justifier d’appeler le commandant, mais ils ne l’ont jamais fait, souligne le rapport.
« Le respect des procédures par les veilleurs en passerelle n’est pas la norme à bord du Fitzgerald, comme le montrent les nombreuses et presque routinières violations des ordres permanents du commandant, » sans parler les transmissions radio marquées par des jurons et « un humour non professionnel, » remarque l’amiral Fort.
Le commandant Benson, comme son prédécesseur Shu, passait peu de temps en passerelle lors des transits de nuit. Il était endormi lors de la collision avec l’ACX Crystal. Une partie de l’équipe de veille n’avait jamais emprunté cette voie maritime auparavant, d’autres ne l’avaient fait que de jour. « Ses veilleurs étaient au moins aussi fatigués que lui après une longue journée d’opérations sans repos suffisant, » explique l’amiral Fort.
Il s’agissait aussi pour le commandant Benson de la première sortie de la baie de Sagami en tant que commandant, un poste qu’il occupait depuis seulement quelques semaines, juste après la quasi-collision au large de Sasebo.
« Il est inexplicable que ni Benson, ni le commandant en second, le Cmdr Babbit, ne se trouvaient en passerelle pour la première sortie de Yokosuka, très près de la côte et avec un trafic maritime et de navires de pêche modérément dense, » écrit l’amiral.
Tout navire doit respecter le « code de la route » : le règlement de prévention des abordages, une série de règles concernant la vitesse, la veille et d’autres pratiques à appliquer pour éviter les collisions. Le rapport de l’amiral Fort jette le doute : les veilleurs du Fitzgerald et des autres bâtiments de la 7è Flotte avaient-ils un connaissance suffisante de ces règles pour naviguer en sécurité ?
Environ 3 semaines après la collision, les enquêteurs ont interrogé les officiers du Fitzgerald sur les règles de navigation. Le résultat est inquiétant : sur les 22 officiers qui ont répondu au questionnaire, le taux de bonnes réponses est de 59 %, écrit Fort. « Seuls 3 des 22 officiers ont atteint un score de plus de 80%, » ajoute-t-il. 7 officiers ont obtenu un score inférieur à 50%. Trois officiers, dont le commandant en second, ont refusé de subir le test.
Les officiers d’un autre destroyer, utilisé comme groupe de contrôle, ont obtenu des notes similaires.
Source : Navy Times (Etats-Unis)