Du 26 au 28 décembre 2006, le PCIAT (poste de (…)
Les navires de l’US Navy et de la coalition fouillent (…)
Trois ans après le naufrage du Bugaled Breizh, 2 journalistes — Laurent Richard et Sébastien Turay — vont publier un livre sur les "secrets d’état" qui entourent le naufrage du chalutier.
Laurent Richard est un journaliste qui travaille régulièrement pour "Pièces à conviction" (émission dont j’ai ici souligné les erreurs et les omissions). Sébastien Turay est aussi journaliste et a travaillé sur des sujets liés aux services secrets.
Selon un entretien paru dans le Figaro Magazine du 6 janvier, leur thèse est que “deux sous-marins « jouaient » à se pourchasser dans le cadre d’une manoeuvre de simulation. Le premier était néerlandais, le second, anglais. Le submersible britannique propulsait ses 5 000 tonnes à grande vitesse quand il a accroché une fune du chalutier sans même s’en rendre compte.”
Comme pour les reportages de "Pièces à conviction", ce que l’on sait des faits vient clairement remettre en question la thèse des 2 journalistes.
Contrairement à ce que prétendent les 2 auteurs, les exercices du jeudi ("Thursday war") sont loin d’être un secret d’état. Ils ont lieu tous les jeudi depuis de nombreuses années. Tous les pêcheurs travaillant dans la zone le savent.
En outre, dans les eaux britanniques, un code de bonne conduite vis-à-vis des pêcheurs a été mis en place à la suite de plusieurs accidents impliquant des sous-marins. En ce qui concerne les exercices du 15 janvier 2004, on sait que « des avertissements de zone d’exercice de sous-marins sont publiés dans les avertissements de l’Amirauté aux navigateurs et sur les cartes de l’Amirauté. Des avertissements SUBFACTS (activité sous-marine dans la zone), qui comprennaient la zone où le Bugaled Breiz a été perdu, ont été diffusés par les Gardes Côtes toutes les 4 heures à partir de 150140 GMT. » [1]
La présence de sous-marins et l’endroit où ils étaient autorisés à plonger était donc paraitement connue des pêcheurs sur zone au moment de l’accident. Selon une carte présentée dans l’émission "Pièces à conviction", le Bugaled Breizh ne se trouvait pas dans une zone où les sous-marins étaient autorisés à plonger ce jeudi-là, mais à proximité.
Le sous-marin néerlandais impliqué selon les 2 auteurs, le Dolfijn, était le 15 janvier « en transit en surface vers Exercice sous direction UK [2] » [1]. Il n’était donc pas autorisé à plonger.
Le sous-marin britannique, le Turbulent, se trouvait le 15 janvier à quai à Devonport. On sait [1] qu’il a effectué le 16 des essais en surface au large de Rame Head, et qu’il a dû rentrer le soir même à quai suite à une avarie sur un câble remorqué. Compte-tenu de la nature des essais effectués [3], il s’agit probablement d’une avarie sur son antenne ETBF remorquée. On est donc loin du sous-marin qui doit “rentrer subitement à son port d’attache pour réparer une grave avarie d’origine inconnue...” comme le disent les auteurs.
La succession d’événements proposée par les auteurs est totalement incohérente. Dans un premier temps, le sous-marin anglais accroche la fûne du chalutier “sans même s’en rendre compte”. Puis, “l’équipage militaire s’est aperçu de l’accident”. Comment un sous-marin qui avance “à grande vitesse” peut-il ne pas se rendre compte qu’il entraîne un chalutier sous l’eau, puis, après que celui-ci ait coulé, se rendre compte tout à coup qu’un accident s’est produit ? Par quel moyen l’équipage du sous-marin aurait-il pû se rendre compte après coup de l’accident ? Comment, près de 3 ans après les faits, aucun membre de l’équipage aurait-il pu garder un tel secret ?
Si on se réfère aux éléments annoncés par un des auteurs dans son entretien du Figaro Magazine, il ne semble donc y avoir aucun élément nouveau. Ce livre ne semble donc qu’être un coup de pub, destiné à rebondir sur la colère et la douleur légitime des familles. En tout cas, ce n’est pas lui qui permettra d’y voir plus clair dans cette affaire. L’entretien prend d’ailleurs la précaution de préciser que leur “ouvrage n’est pas là pour remplacer la justice.”
[1] Source : Bugaled Breiz : questions et réponses du ministre anglais de la défense (1).
[2] Il s’agit de l’exercice ASWEX 04. Même s’il s’agit d’un exercice international, ce n’est pas un exercice de l’OTAN. Cela a pu faire croire à certains que l’OTAN cherchait à couvrir quelqu’un.
[3] Il aurait aussi pu s’agir de l’antenne de réception radio. Mais celle-ci ne peut être testée en surface.