La Grèce n’a pas respecté ses engagements dans le contrat U-214

  • Dernière mise à jour le 24 septembre 2009.

Lundi 21 septembre, ThyssenKrupp Marine a informé le ministère grec de la défense qu’il annulait le contrat “Projet Archimède” pour la construction de 4 sous-marins classiques à propulsion anaérobie, parce que le gouvernement avait trop de retard dans ses paiements. Le montant des impayés s’élève à plus de 520 millions €. ThyssenKrupp et sa filiale Hellenic Shipyards vont maintenant demander un arbitrage international afin de récupérer une partie des sommes dues dans le contrat.

Ce nouveau développement n’est que le dernier chapitre d’une longue saga. Si le dossier n’est pas réglé, ou si l’arbitrage conduit à des pénalités d’annulation mais sans livraison, la Grèce pourrait se retrouver sans force sous-marine…

La force sous-marine grecque

La Grèce met actuellement en œuvre 8 sous-marins : 4 U-209/110 (classe Glavkos) mis en service entre 1971 et 1979, et 4 U-209/1200 (classe Poseidon) mis en service en 1979 et 1980.

En 1989, le programme Neptune I a commencé à moderniser les 4 sous-marins Glavkos. Ils ont été équipés d’antennes sonar de flanc et d’importantes améliorations de l’électronique, y compris la capacité de lancer des missiles anti-navires UGM-84 Harpoon. En 2002, Hellenic shipyards a obtenu le contrat Neptune II pour la modernisation à "mi-vie" et la réparation de 3 sous-marins Poseidon. Ce contrat comprenait le découpage de la coque épaisse pour installer une section de 6,5 m pour la propulsion anaérobie (AIP), ainsi que des réservoirs de stockage d’hydrogène pour le module AIP. Une antenne sonar de flanc, des améliorations électroniques, un mât opto-électronique avec capacité de communication par satellite, et la capacité de lancer des missiles Harpoon feraient partie des principales améliorations apportées.

Aucun navire n’est éternel, et c’est particulièrement vrai pour les sous-marins. Alors que Neptune II se poursuivait, par conséquent, le gouvernement grec a signé en février 200 un contrat pour 3 des nouveaux sous-marins U-214 de HDW. C’était la première commande pour ce nouveau type de sous-marins.

Le Papanikolis, le premier de la classe U-214, a été construit à Kiel à partir de février 2001. Il a été lancé en avril 2004. En janvier 2005, la compagnie-mère de HDW, ThyssenKrupp Marine (TKMS), a acheté Hellenic Shipyards près d’Athènes et a investi beaucoup pour moderniser les installations. La construction des sous-marins était déjà en cours depuis 2002, et Hellenic Shipyards a construit les 3 U-214 grecs suivants : Pipinos, Matrozos, et Katsonis.

Lorsque les essais à la mer du Papanikolis ont commencé en 2006, cependant, la marine grecque a découvert une série de problèmes sur le nouveau sous-marin. Une faible performance du système AIP qui remplace les moteurs diesel pour les opérations en plongée de longue durée, des problèmes avec le système de combat ISUS, une mauvais stabilité en surface par mer agitée et des problèmes sur le système hydraulique étaient certaines des principales défaillances signalées. La marine grecque a refusé d’accepter le sous-marin, laissant le soin à HDW de réparer le sous-marin.

HDW s’est remise au travail sur le Papanikolis, mais le sous-marin est toujours à Kiel depuis 2006, attendant que la Grèce veuille bien l’accepter. HDW indique que l’acceptation est désormais justifiée, puisque les défauts ont été corrigés, mais le gouvernement grec refuse d’accepter le sous-marin. Il a soulevé d’autres problèmes, la nature ad-hoc de plusieurs des modifications effectuées pour éviter d’avoir à désassembler le sous-marin, le nombre d’heures d’essais à la mer qui ont consommé une partie de la vie opérationnelle des équipements embarqués — et une réserve bien plus traditionnelle, qui n’est pas exprimée mais qui a joué un rôle. Les marins sont célèbres pour leurs superstitions, et les tribulations du Papanikolis lui ont donné une réputation de malchance.

Pendant ce temps, les 3 autres sous-marins seraient maintenant terminés, très près de l’être. Le Pipinos a été lancé en avril 2007, le Matrozos a suivi en 2008, et le Katsonis a été lancé à la fin fin 2008. Aucun d’entre eux n’a non plus été accepté.

La Grèce fait face à un déficit budgétaire très important, qui devrait s’élever à 6% du PNB en 2009. En soulevant le problème, le gouvernement peut retarder les paiements et peut-être créer suffisamment de pression pour renégocier le prix. En janvier 2009, le ministre grec de la défense, Evangelos Meimarakis, avait semblé soutenir cette idée en disant qu’il allait essayer de renégocier le contrat. En mai 2009, il y a eu des rumeurs d’un accord, selon lequel la Grèce accepterait les 3 autres sous-marins une fois que le Pipinos aurait subi ses essais d’acceptation, pendant que HDW garderait le Papanikolis pour le revendre ailleurs.

L’annonce de TKMS indique que les négociations ont échoué. “L’État grec a depuis longtemps cessé d’honorer ses obligations contractuelles,” explique le communiqué de TKMS annonçant l’annulation du contrat. L’analyste de la Commerzbank, Dirk Nettling, est encore plus brutal : le gouvernement grec “ne peut pas payer, ne va pas payer ou a d’autres priorités.” Par conséquent, un porte-parole de TKMS a expliqué à Jane’s que ”...la poursuite du contrat n’est plus économiquement justifiable.”

L’annulation aura probablement aussi des conséquences sur le projet Neptune II de modernisation de la flotte existante de U-209 en y installant un module AIP. Si l’un d’entre eux a été accepté et remis à l’eau, Jane’s indique que ce contrat aussi a été annulé.

Cela laisse la marine grecque avec un énorme problème. Les sous-marins ont une espérance de vie limitée, en particulier à cause des contraintes que subit la coque épaisse. Les U-209 grecs les plus récents atteignent déjà 30 ans, ce qui est vieux. Très peu de sous-marins peuvent naviguent en sécurité au delà de 40 ans, une étape que même les sous-marins modernisés par le projet Neptune II atteindront en 2020.

Compte-tenu de la durée nécessaire entre une commande et la livraison, et les questions que soulèveront l’annulation du contrat auprès des constructeurs potentiels, la Grèce pourrait se retrouver avec une fenêtre étroite de quelques années pour définir une nouvelle stratégie sous-marine et passer commande. L’alternative serait une force sous-marine ayant d’importantes limitations opérationnelles — et peut-être même plus de force sous-marin du tout.

C’est un problème que le rival de toujours, la Turquie, n’aura pas : la Turquie a commandé 6 nouveaux U-214 et devrait les recevoir à partir de 2015.

Source : Defense Industry Daily (Etats-Unis)