La frégate Vendémiaire de la marine nationale effectue (…)
Jean-Louis Venne a pris cette photo du Guépratte (…)
La lutte contre la piraterie maritime commence à faire son entrée sur la scène politique. La piraterie ne constitue pas une menace pour le système économique mondial, en tout cas, pas encore, mais elle commence à avoir un impact sur l’économie mondiale et l’éventualité d’une perturbation importante commence à faire son chemin dans l’esprit de beaucoup.
L’attaque d’un thonier espagnol ou d’un voilier de luxe français est une chose. Perturber la production pétrolière au Nigéria et attaquer un pétrolier japonais de 150.000 tonnes sont des signaux d’avertissement de l’apparition d’une menace pour la sécurité internationale. Non seulement, il s’agit d’un problème mondial, mais c’est une question pour laquelle de nombreux pays ont des intérêts communs.
Ayant fait face récemment à des attaques de pirates, la France et l’Espagne ont pris la tête dans le débat politique sur l’utilisation de la puissance militaire. Ils essaient aussi d’obtenir au sein des institutions internationales le soutien nécessaire auprès des autres pays.
Les Etats-Unis et la France rédigent un projet de résolution aux Nations-unies qui autoriserait à poursuivre et à arrêter les pirates dans les eaux territoriales somaliennes.
Selon le Bureau Maritime International, la piraterie est en augmentation. Il a dénombré 49 attaques pour les 3 premiers de l’année, une augmentation de 20% par rapport la même période l’an dernier.
Le Nigéria est la zone la plus touchée. Le golfe d’Aden et l’Inde viennent en 2è avec 5 incidents chacun. Près d’une vingtaine d’incidents liés à la piraterie ont été enregistrés au large de la Somalie depuis janvier 2007.
L’attaque sur le pétrolier japonais, alors même qu’il naviguait sans chargement, a provoqué une envolée du prix du pétrole, atteignant lundi, peu après l’annonce de l’attaque, le record de 117 $ avant de redescendre un peu...
Le Bureau Maritime International a étudié les effets de la piraterie sur les compagnies de navigation et les activités connexes.
“Les assurances sont impliquées, les primes sont en hausse, le propriétaire va donc augmenter le prix de l’affrètement. Le prix augmente donc pour celui dont la marchandise est transportée, et, au final, c’est le client final, vous et moi, qui payons l’addition,” explique un analyste du bureau.
Devant l’attaque d’un de ses thoniers, l’Espagne a demandé l’aide de l’OTAN, de l’Union Africaine, de la France et de la Grande-Bretagne pour obtenir la libération des otages. L’Espagne n’a pas d’ambassade en Somalie, qui n’a pas de véritable gouvernement depuis 1991...
Lundi, la présidence de l’Union Européenne a souhaité un effort international pour réduire les actes de piraterie.
Avant l’attaque du Ponant, la plupart des Français ignoraient, parce que les médias généralistes ne s’en faisaient pas l’écho, que la piraterie n’avait pas disparu au 19è siècle.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, jusqu’à présent, la lutte contre la piraterie ne constituait pas une priorité forte pour les forces déployées dans la région. La mission principale des navires appartenant à la CTF-150, l’opération Enduring Freedom, est de lutter contre le terrorisme et les trafics de tous genres.
On pourrait imaginer que les navires de l’OTAN patrouillent au large à la recherche des pirates et protégeant le domaine maritime, ce qui est faux. Dans cette région les forces navales font principalement face à de la contre-bande, du trafic d’êtres humains et d’autres activités criminelles. Dans une région où il est très facile de se procurer des armes, les forces navales sont déjà bien occupées avec ces missions.
Les choses ont commencé à changer à l’automne dernier lorsque le Programme Alimentaire Mondial a demandé l’aide des grandes puissances pour protéger les navires transportant l’aide alimentaire au large de la Somalie. La France a envoyé un aviso, puis la marine danoise a pris la relève.
Dans toute la zone de responsabilité de la CTF-150, il y avait en début de semaine 22 navires appartenant à diverses marines de l’OTAN (en comptant des navires de passage comme le Georges Leyghes et la Jeanne d’Arc).
La mer Rouge a une superficie de 450.000 km², la mer d’Oman de 3,5 millions de km². La zone de responsabilité totale de la CTF-150 s’étend sur plus de 10.000.000 km². Imaginez à quel point il est difficile de contrôler et de surveiller avec si peu de navires une zone qui est presque 2 fois grande comme l’Europe toute entière. Croire que la CTF-150 peut contribuer à réduire, sans même parler de l’éradiquer, la piraterie dans la région est une utopie.
Dans le débat actuel sur le nombre de frégates dont doit disposer la marine nationale, voici quelques éléments intéressants à prendre en compte.
La Royal Navy dispose dans la région de 5 bâtiments de guerre, dont 2 escortent un de leur porte-avions (mission Orion 08). Ces 5 navires représentent 20% de toute la flotte de surface de la Royal Navy (frégates et destroyers). C’est aussi la plus importante présence depuis l’invasion de l’Irak. encore faut-il préciser que 2 navires quitteront la zone dans les prochaines semaines sans être remplacés.
Les nations européennes sont engagées dans des missions depuis la mer Baltique jusqu’en Méditerranée. Elles n’ont tout simplement pas assez de navires pour augmenter leur présence dans la région pour une longue période. Les nations qui peuvent envoyer des navires dans la région le font déjà.
Dans ce contexte, l’appel aux institutions internationales est indispensables. Faute d’un déploiement massif tout autant qu’improbable de l’US Navy, le seul moyen de trouver suffisamment de navires pour combattre la piraterie est d’obtenir la participation des plus nombreuses marines du monde : Chine, Japon, Russie, Corée du Sud, Australie, Afrique du Sud, Arabie Saoudite...
La piraterie est-elle un problème suffisamment important, suffisamment grave pour réussir à réunir une force navale internationale suffisamment nombreuse pour arrêter le problème ?
Il y a un paradoxe intéressant. Plus de la moitié du trafic maritime dans la région se dirige ou revient de l’Asie. L’US Navy et les marines européennes utilisent leurs navires pour protéger ce trafic maritime, et cela retire des ressources de la protection des navires se dirigeant vers l’Europe, ceux-là même qui sont la cible des pirates somaliens.
La piraterie moderne en chiffres – 263 attaques recensées en 2007, soit 10% de plus qu’en 2006 – Hausse de 20% dans le premier trimestre de 2008 par rapport à 2007
En 10 ans : – 3200 personnes prises en otages – 150 personnes tuées – 500 personnes blessées
Source : Bureau maritime international
Source : Information Dissemination (Etats-Unis)