Sous l’eau, les règles d’hygiène sont assouplies

  • Dernière mise à jour le 21 novembre 2006.

A BORD DU HMCS WINDSOR - Imaginez 48 personnes vivant dans un espace de la taille d’un petit bungalow et vous commencerez àavoir une idée de la vie quotidienne àbord d’un sous-marin classique.

Des locaux exigus
L’équipage du poste central du HMCS Corner Brook se prépare àplonger. (Photo d’archive)

Vivre et travailler en plongée pendant des semaines dans un tube d’acier fermé n’est pas donné à tout le monde, et les sous-mariniers aiment à se considérer comme une race à part.

Rob Fraser, qui fait partie de l’équipage du Windsor, décrit la vie à bord comme semblable à vivre dans un bunker souterrain. Il a raison. On ne sent pas qu’on est en plongée, même si au moment où j’écris ces lignes, le Windsor navigue à 57 mètres sous la surface de l’Océan Atlantique.

Mais ce sont les petits détails de la vie sous-marine qui soulèvent le plus de questions au nouveau venu à bord. Des questions comme celle-ci : Comment fait l’équipage pour rester propre ?

Il y a une douche sur chacun des 4 sous-marins de la classe Victoria de la Marine Candienne. Mais elles ne font que la moitié de la taille d’une cabine téléphonique ; la plupart des membres d’équipage ne s’embêtent pas à les utiliser [1]. A la place, les sous-mariniers utilisent des lingettes pour bébé pour se nettoyer et du talc pour arrêter les démangeaisons et masquer leur propre odeur. Cela fonctionne pour des petits voyages, mais sur de plus longues périodes, comme les 57 jours consécutifs que le HMCS Victoria a passé en mer en 2003, de telles méthodes ne sont pas efficaces.

Donc, comment faites-vous après 2 mois passés en mer ? ai-je demandé innocemment.

 Sentir le putois

"On sent comme le cul d’un putois," répond en rigolant l’un des membres de l’équipage.

Au bout de 4 jours sous l’eau, je commence à avoir un aperçu de ce dont il parle. Mes cheveux sont emmélés et gras. Les odeurs de diesel du moteur et de graisse industrielle, qui semble recouvrir de nombreuses parties du sous-marin, sont les odeurs les plus communes à bord. L’odeur imprègne mes vêtements, ma peau et mes cheveux. De retour à terre, je devrai faire passer mes vêtements 3 fois par la machine à laver avant qu’elle disparaisse.

Avec l’aide de certains membres de l’équipage, je prends conscience de la petitesse de l’espace disponible à bord du HMCS Windsor. Il mesure environ 150 mètres carrées, sans tenir compte du poste central, de la salle des machines et de la chambre des torpilles où des sous-mariniers travaillent.

"On s’y habitue," indique Cameron MacDonald en parlant de l’espace exigu.

Un nouveau venu prend très vite l’habitude de circuler dans la coursive très étroite du sous-marin, à peine plus large que les épaules d’une personne normale.

Les membres d’équipage effectuent leur quart de travail et les opérations s’effectuent sans interruption, 24 heures sur 24. Les entraînements incendie sont effectués presque chaque jour où point que les réactions à une situation d’urgence deviennent une seconde nature.

"Vous avez 10 fois plus de responsabilité que sur un navire de surface," explique MacDonald. "Ou vous faites ce que vous devez faire, ou vous ne le faites pas. Si vous ne le faites pas, c’est “Adieu !”."

"Ici en dessous, vous devez compter sur les autres," ajoute Fraser.

Après leur quart, un sous-marinier peut manger ou essayer de dormir, une chose difficile à réussir puisque d’autres sous-mariniers circulent à toute heure. Il n’est pas inhabituel d’être réveillé à 2 heures du matin par un officier annonçant dans les haut-parleurs que le sous-marin va faire surface.

 Les meilleurs repas de la marine

Cependant, la vie à bord est détendue, comparée à d’autres unités militaires. La nourriture est reconnue comme la meilleure de la marine. Pendant leurs heures de repos, les sous-mariniers lisent ou regardent des DVD. Contrairement à la flotte de surface, on ne salue pas. Les officiers subalternes sont appelés “sir”, mais cela ne leur épargne pas, pas plus qu’au commandant du sous-marin, le Lt.-Cmdr. Christopher Ellis, d’être constament la cible de plaisanteries. Le cuisinier du Windsor désigne l’embonpoint d’Ellis avant de remarquer : "je suppose que le régime ne fonctionne pas très bien, n’est-ce pas, “sir” ?"

Les farces et les plaisanteries aident à rompre la monotonie d’être confiné dans un espace si exigu. Quelqu’un glisse un poisson congelé dans le fourreau d’un couteau porté par un sous-marinier, déclenchant des paris sur quel type de représaille va s’en suivre. La dernière fois que j’étais sur le HMCS Victoria, j’ai laissé mon appareil photo dans le compartiment de stockage des armes pour quelques minutes pendant que j’en visitais l’extrémité. 2 jours plus tard, quand j’ai reçu le film dévelopé, il y avait une série de photos de membres de l’équipage, tous souriants à l’objectif.

Puis il y a les commentaires que l’on fait lorsqu’on est pas en forme, les relations familiales parfois tendues à cause de la longueur du temps passé en mer et le fait que, contrairement à tous les autres militaires, les sous-mariniers n’ont aucun moyen de rester en contact avec leurs êtres chers.

Certains se lamentent sur le peu de temps qu’ils ont passé avec leur jeune enfant. D’autres plaisantent sur le fait d’être absent de chez eux pendant de longues périodes.

"Demandez à ma 3ème femme," dit un marin.

 Un risque inhérent

Personne ne s’étend sur l’incendie qui a ravagé le HMCS Chicoutimi il y a 2 ans, tuant un officier et blessant 8 autres sous-mariniers. C’est juste arrivé, dit en haussant les épaules un membre d’équipage du Windsor, acceptant le rythme inhérent de travailler et vivre dans un cylindre, plusieurs centaines de mètres sous l’eau.

Suite à l’incendie, des changements ont été effectués dans le matériel de sécurité. Les masques respiratoires ont été améliorés et davantage d’extincteurs ont été installés.

J’ai eu le récapitulatif des différents masques respiratoires disponibles en cas d’incendie. L’un est portable, il peut être rapidement glissé sur la tête, avec un réservoir d’air. L’autre est plus robuste qui peut être branché sur des points de distribution répartis dans le sous-marin.

Mais personne ne se fait d’illusion. Si un sous-marin en plongée a un vrai problème, le sauvetage ou l’évacuation sera une affaire risquée, dans le meilleur des cas.

David Pugliese

Notes :

[1NDT : Une autre raison pour laquelle cette douche est très peu utilisée est que la quantité d’eau à bord est limitée. La majeure partie de cette eau est donc réservée à la boisson.

Source : The Daily News (Canada)