Le Koursk coulé par les Américains, selon un film

  • Dernière mise à jour le 25 juillet 2005.

Dans un nouvel avatar de la théorie du complot mondial, le cinéaste Jean-Michel Carré prétend démontrer que le Koursk a été coulé par une torpille américaine.

Dans l’interview qu’il a accordé au journal suisse “La Liberté”, Jean-Michel Carré explique la thèse de son film : on nous a tous menti ! Les autorités russes et américaines se sont liguées pour cacher au public la vérité !

Que les exercices soient "entourés" par des navires et sous-marins espions, jusque là, rien de nouveau ou d’extraordinaire.

En revanche, la suite de la thèse du cinéaste prend des allures de roman.

 Des anomalies magnétiques

Selon lui, des anomalies magnétiques pourraient avoir compliqué le travail des sonars. Or, tout spécialiste vous dira que le magnétisme n’a aucune influence sur la détection des sons émis par un sous-marin. La différence de salinité, l’immersion, les bruits émis par les autres bâtiments ou par les animaux marins, voire celui des vagues peuvent perturber la détection d’un sous-marin qui fait peu de bruit.

Or, ici, les deux sous-marins étaient censés être proches l’un de l’autre puisqu’ils se seraient abordés ! Les perturbations à faible distance sont négligeables.

Et en même temps, ces anomalies magnétiques ne perturbent pas les équipements de détection russes qui indiquent des masses métalliques de 8 à 9000 t. En passant, le cinéaste fait une erreur de taille : le Toledo ne déplace que 6.900 t en plongée !

 Manoeuvrabilité

Un sous-marin de la taille du Koursk est probablement difficile à manoeuvrer par petits fonds. En revanche, les sous-marins d’attaque américains sont connus pour leur maniabilité (l’auteur prétend d’ailleurs que c’est le Toledo, le SNA américain, qui heurte le Koursk !). Et puisqu’on aborde ce sujet, où se trouvent les traces de l’abordage entre le Koursk et le Toledo ? A ma connaissance, aucun rapport, aucun article, aucune photo ne parle ou ne montre de trace pouvant résulter de l’abordage par un sous-marin, quelque soit sa nationalité.

 Une boîte de conserve

Les torpilles du Koursk ont explosé, causant la destruction complète de la salle des torpilles. Malgré tout, le cinéaste et son "conseiller" prétendent arriver à voir un trou bien rond dans lequel ils reconnaissent l’impact d’une torpille américaine. Que l’uranium appauvri soit un métal très dur, certes, de là à dire qu’il arrive à pénétrer dans la double coque du Koursk "comme dans une boîte de conserve", il y a tout de même un pas que la résistance des coques à l’immersion maximale où vont les sous-marins (généralement plus de 300 mètres, le cinéaste parle de 1.000 m) ne permet pas de franchir !

Une torpille peut exploser de deux manières :
 à l’impact, la coque est alors enfoncée, comme par un énorme coup de poing (les dégâts sont donc plus grands sur la coque externe que sur la coque interne),
 par influence magnétique, la torpille casse littéralement sa cible en deux en la soulevant puis la laissant retomber dans la bulle de gaz causée par l’explosion.

Il est donc impossible qu’une torpille puisse pénétrer dans la double coque du Koursk "comme dans une boîte de conserve".

 Empêcher la vente à la Chine

Enfin, cerise sur le gateau, cette mise en scène aurait été montée, à l’origine, pour empêcher les Russes de vendre une torpille aux Chinois ! Jean-Michel Carré semble ignorer tout de la manière dont les états se vendent des armes. La décision est prise au plus haut niveau, certainement pas par des militaires venant observer des manoeuvres.

Comment la présence des Américains dans la zone d’exercice aurait-elle pû empêcher la vente ? Pourquoi les Américains auraient-ils pris le risque de pénétrer dans cette zone dangereuse au risque d’être pris pour cible par cette torpille [1] ?

L’hypothèse émise par Jean-Michel Carré est basée sur un postulat faux : comment imaginer que plusieurs sous-marins américains aient réussi à se glisser à quelques mètres du Koursk sans se faire détecter ? Je sais que les sonars américains sont les meilleurs [2], mais le Koursk (et les frégates autour de lui qui étaient en émission sonar active) n’aurait pas manqué de détecter deux cibles à moins d’un kilomètre !

Ce film tente donc de démontrer une hypothèse tout aussi farfelue que l’absence de tout avion dans l’attentat contre le Pentagone.

L’interview du cinéaste dans le journal La liberté (Suisse)

Notes :

[1En cas de mauvais fonctionnement de la torpille dont c’était le premier tir ce jour-là.

[2Après les français, bien sûr !