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Un sous-marin allemand crée des vagues chez les concurrents car sa technologie innovante lui permet de rafler des contrats à l’exportation. Le chantier HDW de Kiel, qui fabrique l’U 31, a déjà remporté neuf commandes et lorgne maintenant sur un contrat de six autres sous-marins pour l’Inde. L’atout de l’U 31 : des piles à combustible de Siemens qui, alimentées en hydrogène et en oxygène, produisent suffisamment d’énergie électrique pour multiplier par cinq l’autonomie en plongée par rapport aux sous-marins Diesel.
Les sous-marins Diesel ne peuvent rester en plongée que quelques jours, tirant leur énergie de volumineuses batteries. Au-delà, ils doivent remonter à quelques mètres de la surface pour les recharger au moyen d’un gros tuba, le schnorkel, qui alimente le diesel en air. En raison du bruit, de la température, de ses émanations de gaz d’échappement, du sillage et de la signature radar de ses antennes, il peut devenir une cible facile à couler.
Avec les piles à combustible, la durée de plongée est prolongée. En limitant la vitesse du sous-marin, il devient même possible de rester plus d’une quinzaine de jours sous l’eau et de parcourir près de 3 000 miles nautiques, voire davantage car l’autonomie n’est limitée que par la quantité d’oxygène et d’hydrogène embarquée. Autres avantages : le silence absolu de la réaction électrochimique. La signature thermique, avec une température de réaction de 80 °C contre 600 °C pour les diesels, rend l’U 31 quasiment indétectable.
Les Allemands ont déjà fabriqué deux sous-marins pour leur marine, dont le premier a achevé ses essais dans la Baltique. Affranchis de la tradition de la propulsion nucléaire, qui permet des temps de plongée très importants, ils ont travaillé patiemment. « Le résultat est un bijou technologique à la hauteur du défi », remarque un connaisseur. Le défi consistait à réussir à combiner une réaction chimique de deux gaz hautement explosifs à travers une membrane de quelques microns, le tout dans un univers confiné et en présence d’un équipage de sous-mariniers où la sécurité est le maître mot. Ils ont choisi de stocker l’hydrogène sous forme d’hydrures métalliques, sortes d’énormes éponges chimiques installées dans des bonbonnes d’acier, à l’extérieur de la coque résistante du sous-marin. L’hydrogène est libéré des hydrures par la chaleur dégagée par le fonctionnement de la pile. L’oxygène est stocké, lui, sous forme liquide dans de gros réservoirs installés entre la coque étanche et les superstructures du navire.
Cinq pays - Allemagne, Italie, Grèce, Corée du Sud et Portugal - ont déjà fait le choix des sous-marins à pile de HDW ; les Indiens pourraient basculer ; les Américains, qui n’ont pas de chantier de sous-marins classiques, s’y intéressent de très près avec le fonds d’investissements OEP (One Equity Partners) qui a pris la majorité du capital dans HDW, avec l’espoir de vendre huit sous-marins à pile à Taïwan.
Côté français, deuxième exportateur de sous-marins, on fait de la résistance. « Le procédé allemand de piles paraît moderne, or il est lourd en termes de stockage de l’hydrogène, délicat avec l’utilisation à bord d’oxygène pur et ne bénéficie pas de retour d’expérience », indique Jacques Lebreton, directeur technique de DCN. Le maître d’oeuvre des navires militaires préfère mettre en avant son Mesma vendu à un unique exemplaire, au Pakistan, qui fait partie de toute une série de technologies conçues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour accroître l’autonomie des sous-marins et s’appuyant sur l’utilisation d’oxygène liquide stocké à bord pour alimenter un diesel à cycle fermé ou un moteur Stirling.
Nos chantiers n’ont pas toujours fait la fine bouche devant les piles. DCN et Technicatome (groupe Areva) avaient été choisis par la DGA (Délégation générale pour l’armement) pour développer une pile pour les sous-marins français à l’export. La réalisation de son coeur avait été confiée à la société Hélion, créée en 2001 dans ce but, sous l’influence notamment d’Alain Bugat, aujourd’hui administrateur général du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique.
Il y a peu, la DGA a suspendu tout le programme. Pourtant, l’étude de faisabilité était positive aux dires de la DGA, et on pouvait espérer d’ici à 2010 une pile française. Pression du lobby propulsion nucléaire au sein de la Marine qui craint de voir ses crédits recherche entamés par une technologie « verte », refus de celle-ci de financer une technologie qui n’aurait d’intérêt que pour l’exportation ? Ou simple restriction budgétaire ? « En tout cas, aujourd’hui à DCN, c’est le grand flou », note un industriel. Faute de financement public, on se contente d’attendre un futur rapprochement avec les chantiers HDW dans le cadre d’une forme d’EADS de la construction navale européenne qui se dessine et dont le rapprochement de DCN et Thales constituerait un premier pas.
Cette mise en sommeil de la pile pour sous-marins est d’autant plus regrettable qu’elle hypothèque la capacité de DCN à exporter mais aussi fragilise par ricochet la société Hélion, premier producteur français de piles de fortes puissances, avec en particulier une pile de 20 kW. La pile à combustible est pourtant une technologie clef pour les navires militaires de surface et pour la marine de commerce, de plaisance... où elle peut avantageusement remplacer des diesels bruyants et polluants, mais aussi pour un ensemble d’autres applications allant de la voiture « verte » à la production d’énergie décentralisée et à l’alimentation des portables.
Source : Le Figaro