Brésil : pourquoi l’U-214 ?

  • Dernière mise à jour le 18 décembre 2006.

Les projets annoncés par la Marine du Brésil pour l’acquisition future de nouveaux sous-marins, au-delàde lui donner accès àde nouvelles technologies dans le domaine métallurgique, comprend aussi la fourniture d’un nouveau sous-marin, un U-214 conçu en Allemagne, àpartir de l’expérience tirée du U-209 (dont le Brésil dispose déjàde 5 exemplaires) et de l’U-212, construit pour l’Allemagne et l’Italie.

Le U-214

La principale caractéristique du sous-marin U-214, par rapport à ses prédécesseurs, est son système AIP de propulsion anaérobie qui permet au sous-marin de rester en plongée pendant au moins 2 semaines sans avoir besoin de lancer ses moteurs Diesel pour recharger ses batteries.

Les sous-marins classiques, à propulsion diesel électrique, doivent faire surface régulièrement, jamais plus de 3 ou 4 jours, pour recharger leurs batteries et leur permettre de poursuivre le voyage. Pour ne pas utiliser les moteurs diesel (parce qu’ils font du bruit), les sous-marins sont équipés de l’AIP. Ils deviennent ainsi beaucoup plus silencieux, ce qui leur permet de cette manière de devenir une arme beaucoup plus mortelle.

Cependant, peu de temps après que soit connue l’intention du Brésil, on a aussi appris que la Marine du Brésil n’avait pas l’intention d’acheter la version AIP de ces sous-marins, ce qui est pourtant l’une des caractéristiques les plus importantes de cette arme.

La décision de ne pas opter pour l’AIP n’est pas une “première absolue”. La Marine d’Israël, par exemple, a 3 sous-marins de la classe Dolphin, qui sont très similaires au U-212 allemand, mais ils ne sont pas équipés de l’AIP.

Lorsqu’on analyse les explications données par la Marine Brésilienne, les arguments utilisés pour justifier de ne pas choisir la version AIP sont pour le moins curieux.

Les réservoirs d’hydrogène de l’U-214

La Marine Brésilienne affirme qu’elle considère que les coûts opérationnels de l’U-214 seraient trop chers et qu’elle a par conséquent choisi un sous-marin sans AIP.

Cet argument, s’il repose sur des faits exacts (utiliser un système AIP implique par exemple de construire des structures de production et de stockage de l’hydrogène) est cependant étrange lorsque l’on sait que la Marine Brésilienne a des projets pour le développement et la construction d’un sous-marin mû par l’énergie nucléaire.

Il s’avère que le coût opérationnel d’un sous-marin nucléaire resterait toujours inimaginablement plus coûteux pour le Brésil que celui d’un système AIP à piles à combustible.

La Marine Brésilienne a considéré comme un facteur de complexité la nécessité d’utiliser 8 camions réservoirs, pleins d’oxygène et d’hydrogène, avec un haut degré de pureté. Ces 2 gaz seraient de plus difficiles à produire et aussi à transporter.

Cependant, la Marine Brésilienne ne semble pas avoir de problème pour envisager de construire un sous-marin nucléaire, propulsé par le combustible le plus dangereux au monde, si dangereux que son entrée au port est interdite dans la majorité des pays, à cause des dangers inhérents.

Il ne semble pas que le transport d’hydrogène soit plus compliqué ou plus dangereux que celui de plutonium. Ceci est bien sûr nuancé par le fait que le combustible nucléaire doit être changé à des intervalles qui se comptent en années, ce qui n’est pas le cas avec l’hydrogène et l’oxygène des piles à combustibles du système AIP.

Un autre argument utilisé par la Marine Brésilienne est le coût de navigation. Le prix du mille parcouru avec le système AIP serait 7 fois plus cher qu’avec le système conventionnel du moteur diesel.

Cependant, la comparaison n’a pas véritablement de sens, parce que le sous-marin U-214 a la possibilité (si cela est la nécessité tactique du moment) de naviguer comme s’il était un sous-marin classique, n’utilisant pas son système AIP, qu’il peut n’utiliser que lorsque les circonstances tactiques rendent son utilisation nécessaire.

Le système AIP n’est pas comme l’énergie nucléaire qui est utilisée en permanence. L’U-214 a aussi des moteurs diesel, comme les autres sous-marins de la Marine Brésilienne, et un système AIP qu’il peut n’utiliser que lorsque le commandant décide de passer en mode silencieux. Le sous-marin peut être utilisé d’une manière économique la plupart du temps, et utiliser l’AIP lorsque la sécurité du sous-marin peut être mise en danger par un ennemi potentiel. Le système AIP n’est pas seulement un nouveau système de propulsion, c’est aussi une arme de défense passive, et comme toute nouvelle arme, il a aussi un coût.

 Des doutes

Les explications données par la Marine Brésilienne pour ne pas avoir choisi le système AIP, même si elles sont correctes et parfaitement acceptables, peuvent néanmoins cacher d’autres raisons, explications et justifications.

Depuis des décennies, la Marine Brésilienne poursuit l’objectif de construire un sous-marin propulsé par l’énergie nucléaire. Cet objectif au départ vu comme une possibilité intéressante et nécessaire, est devenu avec le temps le symbôle d’un “statut” et de capacités technologiques, mais de moins en mois comme un avantage tactique qui peut être utilisé en termes militaires.

Le projet de sous-marin a été difficile à conserver et à justifier. C’est pourquoi la possession de sous-marins nucléaires ou même d’armes nucléaires n’a que peu d’adeptes.

Selon certaines sources, certaines citées par la presse Brésilienne, le choix du sous-marin U-214 avec un système AIP, de part ses caractéristiques, n’aurait probablement eu qu’une seule signification pour la Marine Brésilienne.

Le système AIP aurait définitivement tué le projet de sous-marin nucléaire, parce que l’utilité tactique d’un sous-marin nucléaire (un sous-marin nucléaire coûterait entre 2,5 et 4 fois le prix d’un sous-marin classique) dans les eaux brésiliennes est moins logique en terme de coût et de giganstisme, puisque l’arme sous-marine ne sera efficace que si un nombre minimum de sous-marins est disponible.

L’idée que le Brésil puisse construire plusieurs sous-marins nucléaires au prix le plus bas est une idée fausse.

Un technicien spécialisé a toujours un salaire élevé, et cela même au Brésil où il gagne peu mais cela sera toujours un prix considérable. L’exemple le plus représentatif de cette réalité est le constructeur aéronautique Embraer, qui construit des avions de transport. Il s’est retrouvé à plusieurs reprises en difficulté face à un concurrent du Canada [1], alors qu’il a théoriquement des coûts inférieurs. Pourtant son concurrent a réussi à plusieurs reprises à battre les prix d’Embraer.

La grande autonomie des sous-marins nucléaires, particulièrement appréciée pour les avantages tactiques qu’elle procure, finit aussi par devenir un facteur moins déterminant, quand on sait que des sous-marins dotés de l’AIP, comme les U-214 de la Corée du Sud, pourront rester en plongée jusqu’à 40 jours.

L’U-214 est un sous-marin conçu pour la haute mer (contrairement à son demi-frère le U-212 qui a une coque moins résistante, mais amagnétique) et pour les fonctions défensives que la Marine Brésilienne considère comme être sa fonction principale. Un sous-marin comme l’U-214 sera capable d’accomplir sa mission, avec l’avantage de coûts très inférieurs à ceux d’un sous-marin nucléaire.

 Ecologie et image internationale

Il est possible qu’un sous-marin nucléaire Brésilien ait des conséquences négatives pour le pays. Cela concerne l’image internationale de l’énergie nucléaire adaptée à des fins militaires, qui est chaque fois un peu plus associée à des régimes semi-dictatoriaux ou des dictatures comme le Pakistan ou la Corée du Nord.

Le HMS Tireless de la Royal Navy
Le Royaume-Uni a une longue tradition dans la construction de sous-marins, mais cette classe de sous-marin n’est pourtant pas sans problème. Ce sous-marin est plus une cause de problème qu’un moyen efficace de combattre.

Les problèmes concernant le contrôle de l’Amazonie, et les références internationales aux problèmes de l’Amazonie, ne peuvent être combattues sans le soutien et le développement au Brésil d’énergies alternatives ni sans les amis de l’environnement.

Le Brésil est chaque fois considéré comme un pays qui se préoccupe des questions environnementales, qui appuie et promeut les énergies alternatives. Le dévellopement au Brésil d’une industrie de soutien à la flotte de sous-marins, et en particulier aux piles à combustibles, serait vital et de la plus grande importance.

Ce type d’initiative aura toujours plus d’impact auprès de l’opinion publique internationale, montrant que les raisons d’une gestion internationale de l’Amazonie n’existent pas, quand le gouvernement et les autorités Brésiliennes sont les premiers à promouvoir les énergies alternatives et non polluantes.

Le choix de l’U-214 sans AIP pourrait être intervenu parce que la Marine Brésilienne n’a pas encore assez de courage de décider ce qu’elle doit faire avec le projet de sous-marin nucléaire Brésilien.

Dans le futur, il reste cette possibilité : le U-214 pourrait être reconverti pour utiliser un système AIP. Il faut le reconnaître, ce dernier doit encore passer quelques étapes pour devenir plus efficace qu’il ne l’est présentement.

Pablo Mendonça et Luis Carlos Gomes

Notes :

[1NdlR : Il s’agit de Bombardier.

Source : Aréa militar (Brésil)