L’arrivée de l’ancien porte-avions Clemenceau sera (…)
Au diapason d’une émotion grise comme le ciel, curieux (…)
Crédit photo : DCN
Sorti de sa retraite, le sous-marin Agosta a repris du service. Les futurs sous-mariniers malaisiens s’y font la main. Une saga peu commune dans l’histoire de la Marine racontée par le commandant du “sous-marin école†.
La Malaisie a décidé d’acheter deux sous-marins de type Scorpène au consortium franco-espagnol DCN/Navancia. La Marine royale malaisienne ne possédant pas encore de forces sous-marines, il lui est nécessaire de faire former ses sous-mariniers par ceux qui maîtrisent la science des bateaux noirs. La Malaisie a choisi de s’adresser à la France. La Marine nationale n’ayant pas vocation à servir un autre état que l’Etat français, le gouvernement a confié cette mission à la branche Navfco [1] du groupe Défense Conseil International (DCI), auprès de laquelle la Marine a détaché 64 sous-mariniers prélevés sur ses forces.
Il s’agit de former deux équipages de sous-marin, un troisième d’alerte, une entité de soutien des sous-marins (escadrille, logistique), et une entité de formation et d’entraînement des futurs sous-marins en Malaisie, soit 156 personnes au total.
A terre, d’anciens sous-mariniers sont chargés de la formation théorique des marins malaisiens : cours de connaissances générales du sous-marin, de connaissances supérieures, entraînement sur les anciens simulateurs Agosta cédés par l’ ENSM [2] et sur les simulateurs existants à l’ENSM de Brest et à l’ESNLE [3].
C’est à bord d’un sous-marin “classique”, le Ouessant, remis pour l’occasion en état de naviguer, que se déroulent l’entraînement de ces marins à la mer et la sélection des plus aptes à la conduite du Scorpène. Pour être plus précis, il ne nous revient pas de leur enseigner l’exploitation opérationnelle et militaire d’un sous-marin à propulsion diesel-électrique, mais sa “conduite” en toute sécurité.
L’équipage français doit inculquer aux marins malaisiens l’expérience et les bons réflexes. C’est plus facile à dire qu’à faire puisque nous devons prendre en compte leur culture qui est du type anglo-saxonne et présente les caractéristiques suivantes : apprentissage par cœur des règles, exécution des ordres à la lettre, trop peu de délégation et de subsidiarité, forte proportion des officiers. Au contraire, la nôtre s’appuie en particulier sur une réflexion synthétique et sur un esprit critique : tout subalterne attire l’attention de son supérieur sur les risques pris et sur un éventuel écart des règles de conduite du sous-marin afin de provoquer de sa part une rectification de l’ordre.
Par ailleurs, à bord, tout se déroule exclusivement en anglais (obligeant l’équipage français à quelques cours de langue intensifs). Tous les ordres et compte-rendus ont été adaptés dans cette langue, y compris les procédures d’urgence.
La vie à bord d’un sous-marin, avec ses règles non-écrites et l’évolution des les trois dimensions, est inhabituelle, même pour des marins de surface expérimentés. Les stagiaires malaisiens sont pris en charge par l’ENSM et minutieusement préparés à la navigation et aux tâches qu’ils effectueront en mer. Ils embarquent à tour de rôle à bord du Ouessant pour une navigation de 12 jours, soit environ 250 heures de plongée. Celles-ci sont extrêmement profitables aux stagiaires parce qu’entièrement dédiées à leur formation. Ils passent dans tous les postes de quart, nécessaires à la bonne compréhension de leurs fonctions finales ; après une période de quart en double, ils sont lâchés et remplacent un membre d’équipage français. Que de sous-mariniers auraient rêvé de tant de soins !
Le schéma général de navigation est fondé sur la répétition fréquente des actions de routine du sous-marin : nombreuses reprises de vue, marche au schnorchel, navigation dans le rail commercial pour établir une situation tactique intéressante, navigation par petits fonds sur le plateau continental, exercices simples de réactions aux incendies en décomposant les actions, de réaction aux avaries de sécurité plongée...
La vitesse de progression doit être en permanence adaptée afin de privilégier la bonne compréhension par les stagiaires des tâches à exécuter, et chercher plutôt à renforcer leur confiance en eux et leur anticipation des mouvements du sous-marin.
Nous avons eu le plaisir de constater que les Malaisiens se pliaient avec beaucoup de bonne volonté aux contraintes de la vie à bord, qu’ils étaient tous très attentifs à la formation ; aussi, chacun de nous a mis davantage de cœur à l’ouvrage et donné le meilleur de lui-même. Après trois sorties en mer, des liens solides voire des connivences se sont déjà tissées entre Malaisiens et Français.
Nos aventures ont cependant commencé brutalement puisque nous avons essuyé 12 jours de tempête, fin novembre dernier, avec les premiers stagiaires malaisiens. Ils ont été bien secoués, mais sont revenus très fiers d’avoir tenu le coup. La deuxième sortie était faite en présence des futurs commandants malaisiens qui ont été unanimement appréciés de l’équipage. Après une période d’entretien dense, la troisième sortie à la mer était aussi agitée que la première, causant chez nos amis malaisiens une certaine nostalgie de la mer de Chine.
La formation des sous-mariniers malaisiens, à terre et en mer, a particulièrement bien débuté. Il faut maintenant durer ainsi jusqu’à la fin de l’année 2009, quand les premiers sous-mariniers malaisiens auront déjà pris en charge leur premier Scorpène et que les derniers formés auront la fierté d’entrer enfin dans la noble et enviée famille des sous-mariniers.
Par le CF Jean Magne
Dernier sous-marin “classique” à propulsion diesel-électrique, classe Agosta, de la Marine Nationale, le Ouessant dormait dans une alvéole de l’ancienne base sous-marine de Brest. Retiré du service actif en juillet 2001, il avait été placé en “réserve spéciale”. DCN l’a entièrement démonté, a scruté attentivement toute sa coque et toutes ses installations et l’a remis en état. La période de remontage a été difficile , notamment parce qu’il est rare de travailler sur un sous-marin désarmé depuis aussi longtemps.
Le concours des sous-mariniers a été essentiel pour arriver au bout de la “renaissance” du Ouessant. L’équipage a été chargé du suivi des remontages, de la conduite des installations, des essais, de la rédaction de la documentation de conduite. Pour cette dernière, il ne s’agissait pas de recopier simplement ce qui existait avant, mais de prendre en compte les contraintes du contrat passé avec la Malaisie et d’intégrer l’évolution des méthodes de travail des Forces sous-marines. Chacun a également travaillé à retrouver ses qualifications de sous-marinier d’Agosta, étudiant les documents et s’entraînant sur simulateur.
Dernier-né des sous-marins diesel de construction française, rapide, furtif, bien armé, le Scorpène n’a pas déçu ses premiers acquéreurs, les marins chiliens ; c’est un engin redoutable. Il présente les caractéristiques générales de ses principaux concurrents russes ou allemands avec ses 66 m de long, ses 1700 tonnes ou ses 20 nœuds pendant 2 heures.
Mais il prend l’avantage avec sa forme hydrodynamique, son remarquable moteur, le silence de ses installations ou son système de combat. Comme la plupart de ses grands frères occidentaux, il est “simple coque” ; ses ballasts ne sont pas autour de la coque mais aux extrémités avant et arrière. La construction en est plus économique mais les 130 m3 de gazole sont alors à l’intérieur et laissent moins de place au confort de l’équipage. Il est très automatisé ; son équipage se réduit à 31 personnes et au poste de veille, tout le personnel de quart conduit le sous-marin depuis le PCNO [4].
Petit cousin des sous-marins nouvelle génération SNG, ayant bénéficié des améliorations que DCN a apportées aux sous-marins construits pour la Marine Nationale, le Scorpène est un maillon important entre le SNLE type Le Triomphant et le futur SNA type Barracuda.
Avec l’aimable autorisation de l’auteur.
[1] société NAVale de Formation et de Conseil.
[2] Ecole de navigation sous-marine.
[3] Escadrille des Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins.
[4] Poste Central Navigation Opérations.