Entretien de l’armement : l’Etat doit mieux faire

  • Dernière mise à jour le 27 décembre 2004.

Après une chute drastique entre 1997 et 2001, le budget de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires s’est redressé et commence àproduire ses premiers effets sur son taux de disponibilité, constate la Cour des comptes dans un rapport publié hier. En clair, la France peut envoyer davantage d’avions de combat, de frégates, de chars en bon état de fonctionnement sur les zones de guerre où elle est susceptible d’intervenir.

Mais ces premiers résultats encourageants ne doivent pas inciter l’Etat à relâcher son effort, avertit la Cour. « Il ne faudrait pas que, dans un contexte budgétaire contraint, l’Etat soit tenté d’utiliser les ressources allouées à la maintenance des matériels comme une variable d’ajustement car elles conditionnent notre force opérationnelle réelle et notre capacité à les envoyer sur le terrain », a insisté hier Philippe Seguin, président de la Cour des comptes. Selon lui, il existe une « menace réelle » que les arbitrages budgétaires se réalisent au détriment des crédits du MCO. D’autant que l’effort budgétaire - environ 40 milliards d’euros sans compter les retraites -, consenti par l’Etat au profit de la Défense était jusqu’à une période récente un sujet de polémique entre l’Elysée et Bercy.

Le budget MCO est d’importance. A 3,38 milliards d’euros en moyenne annuelle, il représente 1% du budget de l’Etat, 11% du budget de la Défense et même 12,5% des crédits d’investissement du ministère. En outre, il occupe quelque 40 000 personnes, soit 13% des effectifs des armées. Ces engagements ont permis de redresser une situation qui frôlait le point de non retour en 2000, « avec une dégradation du taux de disponibilité qui avait reculé de 15 à 25% selon les types d’armes », souligne Bertrand Fragonnard, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes. Dans l’armée de l’air par exemple, un avion de combat sur deux en moyenne était capable de décoller et de partir en mission. Il n’était pas rare qu’une frégate puisse sortir en mer mais soit inapte au combat car ses armements (missiles) n’avaient pas été entretenus. La marine a d’autre part subi les conséquences de la réorganisation de la Direction des constructions navales (DCN) vers les seuls navires neufs au détriment de l’entretien des bâtiments anciens. Au total, entre 1997 et 2000, les crédits du MCO avaient baissé de 7,3% en euros constants et les crédits réellement consommés de 14%.

La situation s’est améliorée avec une hausse de 30% des crédits dédiés au MCO entre 2000 et 2003 et une remontée du taux de disponibilité des matériels de 10 points. Mais la Cour relève « des tensions sur le budget 2004 » et « une sous-estimation des coûts du MCO, surtout dans le secteur naval, qui sont calculés sur la base des engagements passés », ainsi que la persistance d’une désorganisation au ministère de la Défense. La création de la SIMMAD, une structure de décision interarmées, a cependant permis de réduire les zones d’inefficacité. Auparavant, il existait plusieurs décisionnaires pour un même matériel, d’où des pertes de temps et une inertie dommageables. A titre d’exemple, les flottes d’appareils des trois armées et de la gendarmerie étaient gérées séparément alors qu’elles utilisent des avions de même type. Le ministère de la Défense doit amplifier son effort de simplification.

La Cour juge que l’objectif de 75% à 80% de disponibilité des matériels paraît difficile à atteindre à l’échéance de la loi de programmation militaire 2003-2008. Le rapport avance des arguments en faveur de l’augmentation des crédits. Ainsi, le coût moyen d’entretien ne cesse d’augmenter en raison du vieillissement de certains matériels - le coût de maintenance de l’heure de vol d’un avion de combat augmente avec l’âge de la flotte -, mais aussi du plus grand degré de sophistication des matériels nouveaux. « Cela coûte plus cher d’entretenir un Rafale que l’avion de la génération précédente », note Bertrand Fragonnard.

Et si la fonction maintenance doit rester au coeur du ministère de la Défense et l’entretien du matériel continuer à relever des entreprises qui le fabriquent, certaines tâches plus simples (dites de niveau 1 et 2) pourraient être externalisées et faire l’objet d’appel d’offres.

Véronique Guillermard


Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels des armées (décembre 2004)

Source : Le Figaro