L’affaire Clémenceau pourrait entraîner la fermeture de nombreuses entreprises de démolition en Inde

  • Dernière mise à jour le 25 janvier 2006.

L’industrie de démolition des navires en Inde craint de devoir fermer ses portes si des lois environnementales plus strictes sont votées àla suite de la controverse sur le désamiantage du Clémenceau, l’ancien porte-avions français.

Un comité de la Cour Suprême Indienne a interrogé des responsables français et des associations environnementales sur la quantité de matériaux toxiques restants à bord du Clémenceau, dont le projet de démolition en Inde a soulevé une forte opposition de la part de groupes écologistes.

"Il est vrai que le nombre de navires qui viennent maintenant a baissé," indique Vippin Aggrawal, secrétaire honoraire de la Ship Recycling Industries Association [1] de l’ouest de l’état du Gujarat.

"Cela ne signifie pas que nous devrions apprécier un tel navire. Il va créer plus de problèmes pour notre industrie."

Le comité de surveillance de la Cour Suprême a ordonné que le Clémenceau — ancienne fierté de la Marine Française — reste en dehors de la zone économique exclusive indienne jusqu’à la publication de la décision finale.

Le président du comité, G Thyagarajan, a indiqué que les recommandations complètes seraient remises à la Cour le 13 février.

Thyagarajan a précisé que son équipe vérifiait si le Clémenceau, qui a quitté le port de Toulon le 31 décembre dernier, remplissait les obligations issues des traités internationnaux comme la convention de Bâle, ainsi que les lois nationnales sur la protection de l’environnement.

"L’amiante est un toxique connu, un tueur connu. Quel sera son impact sur la santé nationale ? Combien y en a-t-il à bord ? Nous sommes des scientifiques et nous voulons connaître la vérité," a-t-il déclaré.

Aggrawal a indiqué que les chantiers de démolition indiens étaient équipés pour traiter les matérieux dangereux en petites quantités mais "pas de l’ordre de ce qui reste à bord du Clémenceau".

"Il y a beaucoup de rapports contradictoires sur la quantité et la nature de l’amiante sur le navire. S’ils ont pu en enlever la plupart, pourquoi en ont-ils laissé une certaine quantité à bord ?" a-t-il ajouté, faisant référence au travail de désamiantage réalisé en France.

"Cela crée des doutes dans l’esprit des gens. Maintenant, si ce navire possède plus que la quantité normale de déchets, alors il faut des nouvelles technologies ou procédés pour le nettoyer.

La crainte de l’industrie que, à cause de cette affaire, il va y avoir de nouvelles règles, en plus de celles déjà existantes, s’impose à nous," a-t-il ajouté.

"Alors, ce sera le dernier clou dans le cercueil."

Cependant, Kiritsinh Gohil, qui dirige le chantier de démolition d’Alang — le plus grand du monde — où le Clémenceau sera démantelé, déclare que le chantier est parfaitement préparé.

"Nous sommes parfaitement préparés à le traiter. Nous avons tout le matériel, les tenues, les masques ... et les autres équipements de protection. Auparavant, nous avons démoli des navires de guerre du même type pour la Russie et d’autres pays européens. Ce n’est pas le premier," indique Gohil.

Le chantier a été créé en 1983, et 6 ans plus tard, il démantelait 361 navires, soit plus de 3 millions de tonnes au total. En mars 2005, les chiffres étaient tombés à 116, soit 540.350 tonnes.

Des responsables du bureau maritime du Gujarat, le chantier de démolition Shree Ram Vessels’ et la société française SDI ont tous indiqué lors d’audience devant le comité que la sécurité des travailleurs n’était pas en danger.

Mais le responsable de l’association, Aggrawal, a déclaré que, si le gouvernement imposait de nouvelles règles à cause de cette controverse, la survie de l’industrie serait mise en cause.

"Dans la région, au moins 150 000 personnes vivent directment ou indirectement de l’industrie. Où vont-ils aller ?" a-t-il demandé.

Des écologistes soutiennent que la plupart des navires finissent leur vie dans des chantiers en Inde, au Bengladesh, en Chine et au Pakistan, où ils sont découpés par des travailleurs mal ou pas protégés, faisant peser un grand risque pour la santé humaine et à l’environnement.

Le Clémenceau, qui ne pouvait entrer dans le Canal de Suez depuis une semaine à cause des craintes sur la quantité de produits chimiques restants à bord, est entré lundi dans le canal.

Notes :

[1association de l’industrie du démantellement des navires.

Source : Mail & Guardian Online - Johannesburg, Afrique du Sud