JSF : l’US Navy s’appête-t-elle à abandonner le navire ?

  • Dernière mise à jour le 17 janvier 2010.

L’US Navy n’est pas contente du nouveau chasseur, le JSF. Il a pris du poids au cours de son développement, mais plus important encore, la Navy n’est pas sûre que les capacités dont il dispose sont celles pour lesquelles elle souhaite dépenser plus d’argent. Elle serait tentée de l’abandonner et de choisir un autre modèle, développé par une compagnie ayant l’expérience des avions embarqués sur porte-avions. Mais l’obstacle est le Secrétaire à la Défense américain, qui a bati sa réputation sur ce programme commun avec l’US Air Force. Mais les signaux sont claires : dès qu’il sera parti, la Navy fera de même.

Pour une Navy qui prétend que "trop parler coule des navires", un de ses documents, intitulé "Joint Programs TOC Affordability", a fuité par de nombreuses voies. Et il ne s’agit d’une fuite accidentelle. Il s’agit d’une décision délibérée, prise au plus haut niveau.

Le point clé est un graphique qui montre que — sur la durée de vie de la flotte d’appareils, les versions porte-avions et STOVL [1] du JSF couteront à la Navy 40% de plus, en cout d’opération total, que les avions qu’ils vont remplacer : F/A-18C/D et AV-8B. Les couts de référence des avions actuels sont ceux de 2008, et comportaient déjà beaucoup de problèmes de vieillissement. Et ceci alors même que la flotte sera plus petite et que les avions voleront moins : les nouveaux avions devraient couter plus de 60% de plus par heure de vol que leurs prédecesseurs.

Le rapport de la Navy laisse entendre que le cout total du programme JSF sera de 705 milliards $ (valeur 2002, 490 milliards €), un peu plus du double que ce qui était prévu au lancement du programme.

Lockheed Martin et le bureau du programme JSF vont répondre que les chiffres de la Navy sont des hypothèses, basées sur l’expérience avec des appareils anciens, qui ne sont pas applicables pour les technologies ultra-modernes du JSF. Mais cela n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est que les amiraux et les hauts-responsables de la Navy sont suffisamment persuadés que le document est correct pour l’avoir fait diffuser.

Et il y a plus encore. Le document de la Navy ne parle pas seulement du F-35B/C [2]. Si les comparaisons de cout tiennent aussi pour le F-16, les projets de l’US Air Force vont rencontrer des difficultés d’ici peu. De plus, la Navy remarque une tendance à l’augmentation du prix de 705 milliards.

La Navy est le seul client américain du JSF ayant un Plan B prêt, sous la forme du Super Hornet. A noter d’ailleurs que General Electric a améliorer le réacteur F414 et que Boeing a discrètement intégré des améliorations de la furtivité. Mais que ferait la Navy pour les Marines ? Cela n’apparait pas dans le texte du rapport.

La Navy n’a pas précisé les éléments entrant dans le calcul du cout d’opération. Le JSF est de la taille du Super Hornet, et beaucoup plus gros que tous les avions qu’il remplace. Le F-35B comporte des systèmes complexes, remplis de composants critiques. Et le JSF intègre des technologies de furtivité, qui doivent encore se montrer aussi abordables en service que les ingénieurs l’ont promis.

Aucune présentation ou étude n’est définitive, mais cette dernière fuite met plus de pression que jamais sur le programme JSF.

Notes :

[1Version à décollage court et atterrissage vertical, destinée au Corps des Marines.

[2Les 2 versions destinées à la Navy, la version A est destinée à l’US Air Force.

Source : Aviation Week (Etats-Unis)