Les pirates somaliens peuvent-ils être battus ?

  • Dernière mise à jour le 21 novembre 2009.

Pourquoi les marines les plus puissantes au monde ne peuvent-elles pas mettre fin à la piraterie au large de la Somalie ?

La frégate néerlandaise Evertsen est une vue rassurante pour les navires civils qui parsèment l’horizon.

Mais l’écrasante puissance de feu de la force européenne n’a pas été suffisante pour faire disparaitre la menace des pirates autour de la Somalie.

Pourquoi est-il aussi difficile pour les plus puissantes marines du monde de battre des pirates qui sont seulement armés de Kalashnikov et de lance-roquettes ?

Il est vrai qu’il n’y a pas eu depuis juillet une attaque réussie dans le golfe d’Aden, le bras de mer qui sépare le Yémen et la Somalie et qui débouche sur le canal de Suez. C’est d’une énorme importance puisque 20% du commerce mondiale emprunte cette voie.

 “Une faible chance”

Mais les pirates n’ont pas été battus. Ils se sont juste déplacés vers le sud dans l’océan Indien, continuant à ravager les eaux.

La première difficulté pour la force européenne est simplement la géographie.

Aux côtés des autres marines concernées par le problème de la piraterie, elle doit patrouiller une région de la taille de l’Europe Occidentale. Les bâtiments qui en font partie peuvent être à plusieurs jours de mer d’un navire quand il est attaqué par des pirates.

Donc, il y a seulement une faible chance de prendre les pirates sur le fait, pendant qu’ils essayent d’aborder un navire civil — et même alors, les bâtiments de guerre sont limités dans ce qu’ils peuvent faire. Souvent, ils ne peuvent pas utiliser l’immense puissance de feu qui est la leur.

"Il ne s’agit pas d’un ennemi, parce que cela voudrait dire que nous sommes en guerre — et ce que nous faisons, c’est une action de police avec des moyens militaires," explique le Cdr Pieter Bindt, commandant de la force européenne Atalante.

"Ils [les pirates] s’adaptent très vite ; ils réagissent à ce que nous faisons et ils ont une très grande région d’où ils peuvent partir : la côte somalienne, qui mesure plusieurs centaines de nautiques de long."

“Pourquoi ne pas simplement leur tirer dessus ?”, demande le journaliste de la BBC.

"Dans le monde occidental, nous aimons respecter des règles dans les questions légales," répond-il. "Ce sera la même chose si, à Paris, quelqu’un ressemblant à un cambrioleur se faisait tirer dessus à vue, nous ne le faisons pas."

 “Ils connaissent la loi”

Dans le PC Opérations de l’Evertsen, un carré rouge sur une carte marine montre les progrès d’un PAG, un Pirate Action Group (groupe d’action des pirates).

Il s’agit généralement de 2 skiffs, des embarcations rapides de seulement quelques m de long, et un bateau-mère, légèrement plus grand, qui transporte la nourriture, le carburant et les munitions.

Une frégate grecque a été envoyée pour intercepter ce PAG précis, mais après les avoir abordés, les pirates présumés ont été interrogés puis relâchés.

Les pirates connaissent la loi. Dès qu’ils voient un bâtiment de guerre s’approcher, ils jettent armes, échelle, et même téléphones satellite par dessus bord. C’est ce qui est arrivé avec les pirates pistés au PC Opération.

Tout le monde pense qu’ils vont tout simplement à terre pour se ré-équiper puis, quelques jours plus tard, reprendre la mer, à la recherche de navires vulnérables. Les rançons, atteignant souvent plusieurs millions $, sont suffisantes pour pouvoir acheter du nouveau matériel.

 “Comme attraper des camés”

C’est très frustrant pour la force européenne.

Le commandant de l’Evertsen, le Cdr Cees Vooijs, m’a raconté un incident typique. Un skiff a été vu en train de s’approcher d’un navire de commerce pour tenter un abordage. Il a alors été intercepté après qu’il ait pris la fuite.

"Quand nous avons abordé le skiff, nous n’avons rien trouvé — rien qui soit lié à la piraterie. Et leur version était qu’ils étaient des pêcheurs. Mais nous n’avons rien trouvé non plus qui montrait qu’ils étaient pêcheurs : pas de poisson, pas d’odeur de poisson, pas de matériel de pêche.

"Pour nous, l’affaire était claire. Mais pour le procureur, ce n’était pas suffisant."

La force a même pris les mêmes groupes de pirates plusieurs fois.

"C’est comme la police à Amsterdam qui arrête les camés qui volent des vélos," explique un officier néerlandais. "Ils les relâchent et les reprennent le lendemain matin pour la même chose."

Source : BBC News (Grande-Bretagne)