La marine brésilienne rejette toute critique envers les sous-marins français

  • Dernière mise à jour le 7 septembre 2009.

Le Brésil signera avec la France le contrat de 6,7 milliards € pour acheter 4 sous-marins et obtenir les technologies nécessaires pour en construire un à propulsion nucléaire.

Le commandant de la marine brésilienne, l’amiral Júlio Soares de Moura Neto qualifie de "mensonge" et de "conversation de vendeur" les critiques contre le contrat que le Brésil signera ce lundi avec la France pour l’achat de 4 sous-marins classiques de la classe Scorpène, y compris les technologies pour planifier et construire un sous-marin à propulsion nucléaire.

Selon Moura Neto, le Chili et l’Inde sont "très satisfaits" avec le Scorpène, et la raison pour laquelle le Brésil a choisi la France est très simple : le Brésil sait construire et faire naviguer des sous-marins, mais pas les concevoir. Le contrat comprend le transfert des technologies de conception des sous-marins classiques, à partir desquelles il sera possible de concevoir celui à propulsion nucléaire, et permet au Brésil d’entrer dans le groupe de 6 pays ayant cette capacité.

L’Allemagne, fournisseur du Brésil pendant des années, n’a jamais transféré les technologies pour concevoir de sous-marin classique et n’a pas le droit, de par sa loi, d’avoir de sous-marin à propulsion nucléaire. Enfin, le prix du Scorpène français est équivalent à celui de l’U-214 allemand.

Folha do Sao Paolo - Le Brésil est un pays pacifique, sans conflit à l’horizon, et qui a des millions de pauvres. Comment expliquer une dépense de 6,7 milliards € pour des sous-marins ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Le prix sera payé sur 20 ans. Tous comptes faits, c’est effectivement beaucoup d’argent. En regardant sur une année, ça ne l’est pas. D’un montant d’environ 300 millions € par ans, suffisamment acceptable pour le budget du Brésil. Le gouvernement a été très efficace pour combattre les problèmes sociaux, mais la société brésilienne doit prendre conscience que nous disposons de richesses immenses en mer et que la marine doit pouvoir être capable de défendre nos richesses et notre souveraineté.

Folha do Sao Paolo - Pourquoi un sous-marin à propulsion nucléaire ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Les ennemis ne sont pas clairs et il existe de nombreux risques qui impliquent surtout le pétrole. Un sous-marin classique utilise une batterie et, de temps temps, il doit remonter en surface pour la recharger. Celui à propulsion nucléaire produit de l’électricité et peut donc rester en permanence en plongée.

D’autre part, il avance à une vitesse plus élevée. Personne ne sait où il se trouve. Il dispose d’une capacité énorme de dissuasion, c’est pourquoi des pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine en ont. Et l’Inde vient de lancer le sien.

Folha do Sao Paolo - La maintenance d’un sous-marin à propulsion nucléaire est très chère, par rapport à celle des sous-marins classiques. Les classiques ne seraient pas mieux ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Précisons les choses : le classique est lent, mais, d’un autre côté, il navigue à des immersions faibles dans des zones proches du littoral. Celui à propulsion nucléaire, qui se déplace à grande vitesse, patrouille dans des zones gigantesques.

Folha do Sao Paolo - Pourquoi le Brésil a-t-il préféré le Scorpène français alors qu’il avait depuis des dizaines d’années des projets avec l’Allemagne ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Quand la marine a lancé son projet de sous-marin à propulsion nucléaire, en 1979, elle a conclu qu’elle devait maitriser la technologie nucléaire et que, en même temps, elle devait dominer la capacité de construire des réacteurs et des sous-marins. C’est fait. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la capacité de concevoir des sous-marins.

La France a mis 30 ans pour passer du sous-marin classique à celui à propulsion nucléaire. Nous n’avons pas les ressources pour cela, nous passons donc par un partenariat. Il devait être avec un pays ayant la maitrise de la conception des 2 types de sous-marins, qui pourrait nous soutenir pour le passage du sous-marin classique au nucléaire. Il y avait les Français, les Russes et les Chinois. Et la France, avec un accord de gouvernement à gouvernement, a accepté de transférer les technologies dans les 2 domaines. Les Allemands n’ont pas de sous-marins à propulsion nucléaire, pour une raison de législation.

Folha do Sao Paolo - Pourquoi pas sous une forme mélangée, puisque les sous-marins classiques allemands sont beaucoup moins chers ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Ce n’est pas vrai, c’est un discours de vendeur et une distorsion qui a été publiée dans la presse. Le sous-marin allemand U-214, qui est très semblable au Scorpène et qui a le même niveau technologique, a été vendu à la Turquie pour 430 millions € pièce. Et notre Scorpène est vendu pour 415 millions €.

Folha do Sao Paolo - Est-ce que le fait qu’aucun pays européen n’utilise le Scorpène, n’est pas un mauvais signe ? Tant le Chili que l’Inde ont beaucoup critiqué ce sous-marin.

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Cela aussi est un argumentaire de vendeur. Ce n’est pas la vérité. Nous avons des informations sûres montrant que la marine chilienne est très contente. Elle les a acheté il y a près de 10 ans.

Folha do Sao Paolo - Et dans le cas de l’Inde, où il y a une procédure judiciaire en raison de retard et de non-transferts de technologie ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Je ne sais pas quels ont été les contrats, mais les informations que nous avons directement des Indiens, est que tout avance correctement là-bas. Quant aux difficultés dans la construction de navires et de sous-marins, c’est naturel. Dans quelques pays aussi où les sous-marins HDW sont construits, il y a des réclamations.

Folha do Sao Paolo - Il n’est pas clair que c’est le Brésil qui a présenté Odebrecht aux Français ?

Amiral Júlio Soares de Moura Neto - Non, non. Ce fût le contraire. Ce sont les Français qui ont choisi Odebrecht, qui a simplement accepté. Le Brésil ne pouvait pas dire : "Je ne veux pas d’Odebrecht". Ce sont les Français qui doivent nous fournir les équipements et les technologies, et ce sont eux qui ont choisi les plus de 30 entreprises brésiliennes qui construiront des équipements pour nos sous-marins.

Source : Folha do Sao Paolo (Brésil)