La marine brésilienne publie un communiqué en réaction à un nouvel article sur son projet de sous-marin nucléaire

  • Dernière mise à jour le 27 juillet 2009.

Le grand quotidien brésilien “Folha de São Paulo” a publié le 23 juillet dernier un article très critique envers le projet de sous-marin nucléaire brésilien et surtout certains aspects du contrat, se demandant à la suite de quelles "transactions exotiques" la compagnie brésilienne Odebrecht avait été retenue par DCNS.

A la suite de la publication, le 23 juillet 2009, d’un article intitulé “Une affaire offensive”, dans lequel est abordé le programme de développement des sous-marins, la Marine du Brésil déclare ce qui suit :

La soumission imminente du gouvernement Lula aux exigences françaises, pour la vente au Brésil de 4 sous-marins classiques compromet la moralité gouvernementale, toujours douteuse dans les affaires, non seulement parce qu’une nouvelle base navale est payée par les vendeurs, mais surtout parce que le travail est attribué à l’entreprise Odebrecht. Cela implique avant tout la soumission à un irrespect offensif à la souveraineté brésilienne de la part du gouvernement français, représenté par la compagnie publique Direction des Constructions Navales.

La construction d’un chantier naval qui respecte les exigences techniques et environnementales essentielles, pour qu’il soit possible de construire un sous-marin à propulsion nucléaire, ainsi que d’une base navale capable de l’accueillir, constitue une des nécessités présentées par la Marine du Brésil depuis la fin des années 70, lorsqu’elle a lancé son programme nucléaire.

Il est ainsi faux d’évoquer ces constructions à d’hypothétiques exigences françaises. Ces travaux sont nécessaires parce que les exigences évoquées ne sont pas respectées, aujourd’hui, par aucun des chantiers navals existants au Brésil. La base sous-marine actuelle, par exemple, située à l’intérieur de la Baía de Guanabara, près du pont Rio-Niterói, n’a pas une profondeur suffisante pour lui permettre d’accueillir un sous-marin de ce type, sans même parler des exigences environnementales qui s’imposent.

De la même manière, il est, au minimum, exagéré de dire que l’entreprise Odebrecht a été imposée par la partie française. En réalité, il y a des transferts de technologie pour ces constructions et, comme il ne serait pas raisonnable qu’une entreprise française effectue des travaux de construction au Brésil, il était nécessaire pour la DCNS, qui est légalement une entreprise privée, de s’associer à un constructeur brésilien, pour cette raison.

Le choix d’un partenaire comme Odebrecht obéit à des critères relevant exclusivement de DCNS, s’agissant d’une libre association entre 2 entreprises privées. La question qui se pose est : sur quelles bases le gouvernement brésilien pourrait-il refuser de traiter avec un consortium dont fait partie Odebrecht ?

Outre l’achat de sous-marins contestés, dans un ensemble déjà estimé à plus de 10 fois le montant d’autres propositions (“O Globo” du 12 juillet), cette exigence française retire au Brésil la maitrise d’un travail militaire qui lui appartient et sur son propre territoire. Avec ça, le Brésil perd le contrôle des couts, des ajustements et des contrats des autres sous-traitants, et perd les secrets appartenant à une base militaire qu’il prétend stratégique.

Les affirmations manquent d’éclaircissements majeurs sur le sujet, résultant de l’utilisation d’informations publiées dans le journal “O Globo”, édition du 12 juillet. L’affirmation que la négociation ait pu concerner “un ensemble déjà estimé à plus de 10 fois le montant d’autres propositions” ne correspond pas à la réalité des faits.

Si la Marine du Brésil avait été consultée avant la publication de cet article, elle aurait clairement indiqué que ce qui est présenté comme “d’autres propositions” fait référence à une proposition allemande, prévoyant la construction de 2, et seulement 2, sous-marins classiques (c’est à dire à propulsion diesel-électrique), ce qui ne correspond en rien au projet en question.

De l’autre côté, la proposition française comprend 4 sous-marins classiques, avec transfert des technologies nécessaires pour la construction ; le transfert des technologies de projet de sous-marins, y compris du système de combat ; le projet et la construction d’un sous-marin à propulsion nucléaire ; le projet et la construction d’un chantier naval dédié à la construction de sous-marins à propulsion nucléaire (et classique) et d’une nouvelle base navale, capable de les accueillir.

Considérer qu’un tel ensemble comme étant “estimé à plus de 10 fois le montant d’autres propositions” ne correspond pas, avec certitude, à la totalité des faits.

De la même manière, il est difficile de comprendre comment des travaux réalisés sur le territoire brésilien, par une entreprise brésilienne, aux moyens de transferts de technologie au profit de la marine brésilienne et de cette même entreprise, peut, en conscience, être considéré comme privant le “Brésil de la maitrise d’un travail militaire qui lui appartient et sur son territoire”.

De même, imaginer qu’un chantier naval et une base construits par des brésiliens et mis en œuvre par la marine du Brésil puissent conduire à perdre des “secrets appartenant à une base militaire qu’il prétend stratégique”, exige un effort d’imagination hors du commun.

Quant au contrôle des couts et ajustements, le contrat de construction, encore en négociation, est supervisé, dès maintenant, par le Tribunal de Contas da União.

Mais surtout, il subsiste un mystère : quelles transactions exotiques ont mis en contact l’entreprise Odebrecht et les affaires françaises de sous-marins ? A tel point de les amener à prévoir un contrat de dimensions stupéfiantes, que le gouvernement Lula s’est montré disposé à accepter automatiquement.

Le doute conduit à envisager ces 2 hypothèses : l’introduction de l’entreprise Odebrecht est intervenue postérieurement à la proposition, comme il semble, ou bien, elle a été envoyée par le Brésil pour déclencher le contrat et être retenue, sans mis en concurrence et autres dérangements, jusque dans les cabinets ministériels, palais et coffres-forts brésiliens ? Lula se prépare à signer le contrat avec les français le 7 septembre [1] prochain, lors de la visite attendue du président français. C’est une date bien éloquente, pour un contrat qui met en cause la souveraineté.

Quelle que soit la société retenue pour construire ce chantier naval, les travaux n’auraient pas été soumis à un appel d’offres, compte-tenu des caractéristiques de secret qu’ils revêtent obligatoirement : il s’agit d’installations nucléaires militaires, comportant des caractéristiques qui ne peuvent être révélées publiquement. Comme les travaux publiques de construction du chantier naval et de la base seront réalisés au Brésil, seule une entreprise nationale pourra les faire. Comme déjà indiqué ci-dessus, il n’aurait pas été envisagé de charger pour cela, par exemple, une entreprise française.

Il n’existe pas de transactions exotiques ou mystérieuses dans la sélection de l’entreprise brésilienne. Elles sont transparentes et publiques, dans les limites permises par les secrets, naturels dans n’importe quel pays du monde, quant il s’agit d’achats de matériels militaires. Il s’agit d’un programme conçu et planifié par la Marine du Brésil, et pas par un quelconque autre pays. La sélection des modèles et des constructeurs de sous-marins, avec une analyse détaillée des diverses options, a été longue, judicieuse, rigoureuse sur le plan technique et, surtout, déterminée par les intérêts stratégiques et souverains du Brésil.

Source : Service de communication de la Marine du Brésil

Notes :

[1Ndt : Date de la déclaration d’indépendance vis-à-vis du Portugal, le 7 septembre 1822.

Source : Poder Naval (Brésil)