Les sous-marins que le Brésil va acheter à la France couteront 10 fois plus chers que ceux proposés par l’Allemagne

  • Dernière mise à jour le 13 juillet 2009.

Le Brésil s’apprête à acheter à DCNS 5 sous-marins en payant 10 fois le montant qu’il pourrait débourser s’il avait accepté la proposition de l’entreprise allemande HDW (Howaldtswerke-Deutsche Werft), révèle un reportage publié ce dimanche par le grand quotidien brésilien O GLOBO.

Avertissement de la rédaction : un certain nombre d’affirmations de cet article sont démenties ou remises en perspective par les précisions apportées par d’autres journaux brésiliens. Ces éléments apparaissent en fin d’article.

La justification pour que le contrat avec la France coute 6,7 milliards € — contre les 670 millions € demandés par la compagnie allemande — est que le contrat couvre aussi la construction d’un arsenal et d’une base navale, dans la région d’Itaguaí, sur les côtes de l’état de Rio de Janeiro. Ces travaux n’avaient cependant pas été prévus par le Brésil.

Ils ont été ajoutés au contrat par le gouvernement français comme condition pour la vente des sous-marins, plus le transfert de technologies pour leur construction au Brésil. Pour obtenir les sous-marins, le Brésil a dû accepter d’acheter ces 2 installations — une dépense supplémentaire jugée inutile, même par de hauts responsables de la marine brésilienne — ainsi que d’accepter aussi qu’ils soient conçus en France et construit par une compagnie désignée par les Français.

Ils ont imposé que les travaux soient effectués par la compagnie brésilienne Odebrecht. De cette manière, a cessé d’exister, en pratique, une procédure destinée — entre autres choses — à éviter le gaspillage d’argent public : un appel d’offres. Interrogé à ce sujet par O GLOBO, mardi dernier, le ministre brésilien de la défense Nelson Jobim, a esquivé la question :

“Nous n’avons rien à voir avec cela. Nous achetons un ensemble complet. Le fait que la France confie les travaux à Odebrecht est lié à un accord de partenariat signé entre eux”, a-t-il expliqué.

 Jobim sera interrogé par une commission du Parlement

Pour ces raisons, la Commission des Relations Extérieures et de la Défense Nationale de la Chambre des Députés, a déjà obtenu l’autorisation de tenir une audience publique sur le sujet. Elle doit intervenir avant que les 2 pays ne signent un contrat définitif. Jobim, qui sera appelé à témoigner, est arrivé dernièrement à Paris pour, entre autres choses, négocier le financement pour le contrat des sous-marins.

Le gouvernement brésilien a l’intention de signer le contrat le 7 septembre prochain, à l’occasion de la visite au Brésil de Nicolas Sarkozy, pour les commémorations de l’Indépendance Brésilienne. Le député Júlio Delgado, qui présidera l’audience publique, a été ironique en commentant cette transaction :

 “Nous sommes simplement en train d’acheter un plat complet dont les ingrédients sont mauvais”, a-t-il affirmé, en faisant référence au fait que les sous-marins Scorpène sont considérés comme inférieurs à ceux que le Brésil possède et qui ont été construits à l’Arsenal de la Marine de Rio, avec transfert de technologie de la société allemande
HDW. Il s’agit de 5 sous-marins du type U-209.

Le Tupi a été construit à Kiel (Allemagne), où ont été envoyés 80 brésiliens — ingénieurs militaires et civils — pour être formés. Tamoio, Timbira, Tapajó et Tikuna ont été construits à l’Arsenal de la Marine de Rio sous la supervision de seulement un ingénieur allemand.

Un des aspects les plus intrigants de la décision du ministère brésilien de la défense d’acheter les Scorpène est le fait que la marine nationale française n’en possède pas, pas plus qu’aucun autre pays de l’OTAN, n’ont jamais utilisé un sous-marin de ce type.

Seuls 3 sous-marins de ce type sont en activité dans le monde. 2 achetés par le Chili et 1 par la Malaisie. Le directeur de la stratégie et du développement de DCNS, Jacques Mouysset, a défendu la nécessité pour son entreprise de travailler sur de nouveaux modèles pour, comme il l’a déclaré au site internet "Mer et Marine", "ne pas se laisser distancer technologiquement".

L’entreprise allemande domine 81 % du marché mondial

Le problème est que le Scorpène a été conçu il y a plus de 10 ans, sur la base de la coque du sous-marin nucléaire type Rubis, version Améthyste. D’autres éléments du marché illustrent aussi la différence entre les produits disponibles pour la marine du Brésil, soulevant des soupçons sur la qualité du produit retenu

Un rapport rédigé par des officiers de la marine brésilienne, qui se sont basé sur les récits de collègues qui naviguent déjà sur les Scorpène achetés par le Chili, signale des fragilités du système. Le document affirme que "la manutention est chère et complexe", et que la qualité du matériel est inférieure à celle du modèle allemand.

Les sous-marins (de plusieurs types) produits par HDW sont bien mieux acceptés dans le monde : l’entreprise domine 81% du marché mondial, tandis que DCNS en a 13%. AU cours des 3 dernières années, l’entreprise allemande a livré 17 sous-marins à 5 pays. l’entreprise française n’en a livré aucun.

 Remarque du site Alide :

Les éléments de cet article nécessitent des informations plus claires et plus objectives.

Affirmer que les 4 sous-marins de HDW du type U-214 couteraient "à peine" 670 millions € est, au minimum, douteux, puisque, par le passé, ce même chantier a proposé à la marine brésilienne 1 sous-marin U-214 pour 1,350 milliard €, proposition qui comprenait la modernisation des 5 autres U-209 que possède la marine brésilienne (modernisation du système de combat).

 Remarques du site Poder Naval

En réalité, en 2006, la COFIEX (Comissão de Financiamentos Externos, un organisme du ministère de la planification, du budget et de la gestion), a approuvé le financement par un prêt de 882,4 millions € la modernisation par HDW des 5 sous-marins actuels de la classe “Tupi” et la construction au Brésil d’un sous-marin U-214.

Suite à des changements au sein du Commandement de la Marine, il a été décidé de faire moderniser le “Tupi” par les américains, via une FMS (Foreign Military Sales), une solution plus simple et moins chère, en adoptant aussi en même temps les torpilles américaines Mk-48.

HDW a alors présenté une nouvelle proposition, où l’autorisation déjà accordée par la COFIEX (de 882,4 millions €) couvrait le projet et la fourniture de matériels pour la construction au Brésil de 2 sous-marins U-214, proposition qui prévoyait aussi l’expansion de l’infrastructure locale et les coûts locaux de construction, outre un transfert de technologie englobant l’élaboration d’un sous-marin spécifiquement brésilien, et l’élaboration du projet, la construction et la manutention de senseurs sous-marins et de systèmes de combat.

Du point de vue technique, il serait plus rationnel de continuer avec une technologie allemande, puisque la force sous-marine brésilienne est constituée de sous-marins de conception allemande, ce qui faciliterait la formation et l’entraînement des équipages.

Mais la décision du Gouvernement Brésilien de continuer le développement du Programme Nucléaire de la Marine, destiné à construire dans le futur un sous-marin à propulsion nucléaire, a permis à la France de proposer sa technologie, puisque ce pays dispose de sous-marins nucléaires.

D’un autre côté, les français se sont seulement engagés à prêter assistance au Brésil dans le domaine de la coque du sous-marin, aucune technologie nucléaire ne leur sera transférée. C’est pourquoi les Allemands expliquent eux-aussi qu’ils n’auraient eu aucune difficulté à aider le Brésil à concevoir la coque de leur sous-marin nucléaire, puisque la propulsion nucléaire sera entièrement brésilienne.

Comme le BlogNAVAL l’a déjà indiqué plusieurs fois, le projet et la construction du sous-marin nucléaire brésilien, bien que nécessaire au point de vue stratégique, se heurte à des obstacles techniques, financiers et de ressources humaines. Il s’agit donc d’un investissement à haut risque.

L'analyse de la rédaction :

Cet article fait probablement partie d’une campagne destinée à miner la crédibilité de DCNS comme exportateur de sous-marins. Derrière, il faut probablement voir la patte de ses concurrents ou d’autres pays qui ne souhaitent pas que le Brésil réussisse à construire un sous-marin nucléaire, parce que cela menacerait son hégémonie dans la région.

Source : Poder Naval (Brésil)