Après que le sous-marin russe de la classe Akula ait (…)
La possibilité que des marins indiens aient été présents (…)
Voici quelques informations plus détaillées qui ont été obtenues directement auprès des témoins de l’accident du Nerpa et aussi auprès des représentants de NPO Avrora, le constructeur du système d’extinction des incendies installé sur cette classe de sous-marins.
Dans l’ordre :
1. Il s’agit du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) K-152, projet 971I (I pour Importation), numéro de série 518. Le sous-marin était destiné à être loué à la marine indienne au travers de RosOboronEksport. Le coût du contrat était d’environ 670 millions $. Le sous-marin effectuait des essais à la mer à l’immersion périscopique [1] avec l’équipe de l’usine, l’équipage normal et un grand nombre de sous-traitants à bord. Il y avait des représentants de NPO Avrora à bord.
2. Vers 20:30, il y a eu un déclenchement non-autorisé du système d’extinction incendie et, par conséquent, du fréon a été diffusé dans le second compartiment (où est situé le poste central) et le système d’alarme activé. Selon des témoins qui utilisaient leur appareil respiratoire (un autre, le représentant d’Avrora, a réussi à sortir du compartiment), l’alarme était très faible par rapport au rugissement habituel, ce qui a évidemment joué son rôle pour ceux qui dormaient.
3. Avant de passer aux causes possibles, il vaut mieux donner quelques détails sur le système d’extinction des incendies installé sur le Nerpa. Le système est contrôlé par le Molibden-BS, construit par NPO Avrora et a la structure suivante :
Dans chaque compartiment (désignés par les chiffres romains), il y a une bouteille de 200 l de fréon ( c ) et chaque bouteille a 3 sorties contrôlées par des vannes électromagnétiques. Une sortie mène au compartiment où est située la bouteille et les 2 autres vers les compartiments voisins. De cette manière, le 2è compartiment peut être alimenté en fréon par les bouteilles des 3 compartiments, ce qui est arrivé dans ce cas (selon des témoins, la concentration de fréon était tellement forte que des gouttelettes se formaient sur les murs et le matériel !).
Les vannes des bouteilles peuvent être contrôlées de 3 façons (j’insiste sur le fait qu’aucune de ces manières n’est automatique) :
– il y a le système Molibden (A) dans le poste central, situé dans le second compartiment, où l’opérateur ou l’officier de quart peuvent décider quels réservoirs utiliser pour quels compartiments. Ce choix est effectué grâce à des interrupteurs à barillet. – Ensuite, dans chaque compartiment, il y a un panneau de contrôle Molibden (B) pour ce compartiment qui contrôle le débit de fréon venant des 3 bouteilles dans un compartiment donné. Le chef de compartiment ou l’opérateur de quart décide d’entrer l’information sur un clavier, la vérifie sur un affichage à cristaux liquides puis utilise un levier de contrôle. – Enfin, comme je l’ai dejà dit, chaque sortie des bouteille a une vanne qui peut être ouverte manuellement comme un robinet.
4. Maintenant, la partie la plus intéressante :
Le fréon a été diffusé dans le 2è compartiment à partir des 3 bouteilles. Puisqu’on peut quasiment exclure la possibilité que les 3 vannes étaient été tournées simultanément par 3 personnes différentes dans 3 compartiments différents et que le panneau de contrôle (A) dans le poste central est sous le contrôle d’un opérateur, voici les 2 possibilités les plus probables.
Première version : la décision de vider 3 réservoirs de fréon dans un compartiment où dormaient des marins et des techniciens a été entrée dans le système depuis le clavier du panneau de contrôle (B) situé dans le 2è compartiment. Comme une quantité excessive de fréon a été diffusée, cela soulève la possibilité d’un sabotage. Cette question sera probablement résolue puisqu’il y a un sous-système de Molibden appelé Rotor (D), qui fonctionne comme la boite noire d’un avion et enregistre tous les paramètres du système. Ce bloc d’équipement, comme on me l’a expliqué, a déjà été saisi par le FSB et est en cours d’analyse.
Deuxième version : Il y a eu un problème technique dans le système Molibden qui a conduit à une activation du système dans le 2è compartiment. Les représentants de NPO Avrora excluent cette possibilité. Honnêtement, je doute aussi qu’une telle panne puisque la diffusion des 3 bouteilles dans un seul compartiment parait aussi pour l’instant douteux.
De façon générale, nous attendons l’expertise du système Rotor. Compte-tenu du nombre de procureurs qu’il y a maintenant (y compris un représentant personnel du Président), ce ne sera pas bientôt.
[1] Une illustration de RIA Novosti parle de 80 m.
Voici quelques éléments qui m’ont été transmis par Starshiy, un spécialiste des sous-marins russes et responsable du site Soumarsov :
Au delà de l’analyse technique des faits eux-mêmes, je pense qu’il faut aussi s’interroger sur les circonstances qui ont conduit à ce drame. J’y vois deux causes : – l’incapacité du Chantier Leninskiy de Komsomolsk na Amure à mener un projet d’une telle envergure. On peut souligner que le dernier SNA construit par ce chantier a été mis en service en ... 1995. Il ne fait alors pas de doute qu’un tout un pan de l’expertise technique nécessaire a disparu. Ceci est confirmé par l’appel au cours de l’été 2008 à des spécialistes du chantier SEVMASH pour la fin de la construction, probablement pour la première divergence du réacteur nucléaire. Mais le choix de ce chantier peut aussi s’expliquer par les relations tendues entre les officiers indiens et les responsables de SEVMASH... – la seconde est d’ordre politique. Les relations avec l’Inde commencement à sérieusement se tendre : l’ex Gorshkov est très en retard, et le chantier SEVMASH ne cesse de demander des fonds supplémentaires, les Kilo modernisés ne donnent pas satisfaction, leur système d’armes Klub-S posant quelque problème. Enfin, les Il-38 May de patrouille maritime sont eux aussi assez décriés. Le chantier se retrouve donc pris dans une spirale de pression quasi infernale. Le sous-marin a déjà pris 10 mois de retard, et il convient de faire vite. Et l’expertise technique fait défaut. Du coup, on s’assoit sur toutes les règles élémentaires de sécurité et au lieu de valider progressivement tous les équipements, on tente de tout mener de front et l’on finit par aboutir au résultat que l’on connaît.
Au delà de l’analyse technique des faits eux-mêmes, je pense qu’il faut aussi s’interroger sur les circonstances qui ont conduit à ce drame.
J’y vois deux causes : – l’incapacité du Chantier Leninskiy de Komsomolsk na Amure à mener un projet d’une telle envergure. On peut souligner que le dernier SNA construit par ce chantier a été mis en service en ... 1995. Il ne fait alors pas de doute qu’un tout un pan de l’expertise technique nécessaire a disparu. Ceci est confirmé par l’appel au cours de l’été 2008 à des spécialistes du chantier SEVMASH pour la fin de la construction, probablement pour la première divergence du réacteur nucléaire. Mais le choix de ce chantier peut aussi s’expliquer par les relations tendues entre les officiers indiens et les responsables de SEVMASH... – la seconde est d’ordre politique. Les relations avec l’Inde commencement à sérieusement se tendre : l’ex Gorshkov est très en retard, et le chantier SEVMASH ne cesse de demander des fonds supplémentaires, les Kilo modernisés ne donnent pas satisfaction, leur système d’armes Klub-S posant quelque problème. Enfin, les Il-38 May de patrouille maritime sont eux aussi assez décriés.
Le chantier se retrouve donc pris dans une spirale de pression quasi infernale. Le sous-marin a déjà pris 10 mois de retard, et il convient de faire vite. Et l’expertise technique fait défaut. Du coup, on s’assoit sur toutes les règles élémentaires de sécurité et au lieu de valider progressivement tous les équipements, on tente de tout mener de front et l’on finit par aboutir au résultat que l’on connaît.
Source : Sklyankin (Russie)