Le Japon prend un sous-marin nucléaire chinois en flagrant délit d’intrusion

  • Dernière mise à jour le 3 décembre 2004.

Le Japon a vivement protesté vendredi auprès de Pékin contre l’intrusion cette semaine d’un sous-marin nucléaire dans ses eaux territoriales, un incident quelque peu théâtral qui survient au moment où la rivalité, notamment militaire, s’aiguise entre les deux puissances asiatiques.

Après un pseudo-suspense, Tokyo a fini par confirmer que le mystérieux submersible était bien chinois, et a mis fin à la chasse engagée dans les eaux internationales depuis plus de 48 heures.

"Nous avons établi que le sous-marin appartient à la marine chinoise et il est probable qu’il s’agit d’un submersible nucléaire", a affirmé le porte-parole du gouvernement, Hiroyuki Hosoda.

Le Premier ministre conservateur Junichiro Koizumi a réaffirmé que l’affaire était "extrêmement regrettable".

Le No 2 de l’ambassade de Chine au Japon (l’ambassadeur étant hors de Tokyo) a été convoqué au ministère des Affaires étrangères pour entendre la "vive protestation" du gouvernement.

Le ministre Nobutaka Machimura a exigé des explications et des excuses et demandé à la Chine de prendre des "mesures préventives" pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise.

Le diplomate chinois a répondu que son pays était "encore en train d’enquêter" et qu’il ne pouvait par conséquent pas présenter des excuses.

Le ministre japonais de la Défense, Yoshinori Ono, avait auparavant ordonné à sa marine d’abandonner la poursuite du sous-marin.

Le submersible —qui serait un des cinq sous-marins d’attaque nucléaires chinois— avait été pris en chasse il y a deux jours par un avion de reconnaissance P-3C et deux destroyers nippons, mais il avait quitté vendredi matin la zone de surveillance militaire aérienne japonaise, rendant la poursuite quasi impossible. Il se dirigerait vers les côtes chinoises.

Il avait fait une brève intrusion de deux heures mercredi matin dans les eaux nippones, entre le Japon et Taïwan, à 300 km au sud-ouest d’Okinawa, qui héberge la principale base militaire américaine de l’archipel.

D’après les bruits enregistrés par les micros japonais, en particulier ceux de l’hélice, le ministère de la Défense a identifié le submersible comme un sous-marin nucléaire de classe Han.

L’incident est de nature à envenimer les relations déjà peu amènes — et régulièrement empoisonnées par les contentieux nés de l’occupation impériale nippone de 1931-1945 — entre le Japon et la Chine.

Mais il ne devrait pas déboucher sur une crise diplomatique majeure, estiment les experts, un observateur occidental soulignant le côté "un peu kabuki (théâtre traditionnel japonais)" de tout l’épisode.

Le sous-marin avait été repéré par un avion de reconnaissance à proximité de l’archipel nippon des Senkaku, revendiqué par la Chine et Taiwan.

Cette zone de la mer de Chine orientale abrite des gisements prometteurs de gaz naturel sur lequel Tokyo, Pékin et Taipei ont des visées.

"En général, je ne crois pas que les relations sino-japonaises soient mauvaises même s’il y a des hauts et des bas", a souligné M. Ono.

M. Koizumi souhaite rencontrer pour la première fois le président Hu Jintao à l’occasion du sommet de l’APEC au Chili le week-end prochain, mais l’entrevue n’a toujours pas été confirmée par Pékin.

Preuve de l’inquiétude que suscite la montée en puissance de la Chine chez son voisin et rival, les stratèges du ministère japonais de la Défense viennent de concevoir des scénarios d’attaques chinoises contre l’Archipel, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire attendue d’ici la fin de l’année.

Dans un rapport soumis à la Diète, un groupe de sénateurs japonais a recommandé une réduction drastique de l’aide au développement à la Chine, arguant de la robuste croissance économique, de la hausse de ses dépenses militaires, ainsi que de la montée des sentiments antinippons à Pékin.

Source : Courrier International