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Le bourdonnement monotone émis par le haut-parleur du HMCS Corner Brook est brusquement interrompu par 3 mots urgents qui font bondir tous les marins.
"Incendie, incendie, incendie," avertit une voix sortant du haut-parleur, ponctuée par le hurlement des sonneries d’alarme.
Les 59 membres d’équipage du seul et unique sous-marin Canadien mettent rapidement un masque respiratoire et se pressent pour aller éteindre un incendie simulé dans le poste central.
L’exercice, effectué la semaine dernière après que le sous-marin de 70 m de long ait terminé une mission à fort enjeu dans le Grand Nord, a donné un rare aperçu de ce qui doit être la pire crainte de tout sous-marinier.
La Presse Canadienne a accepté une invitation exclusive de la Marine Canadienne d’embarquer à bord du sous-marin diesel pour une vue de première main sur les entraînements et les scénarios pendant qu’il parcourrait les profondeurs de l’Atlantique Nord entre St Jean de Terre-Neuve et Halifax.
Au cours des 4 jours passés en mer, dont la moitié en plongée, les exercices se produisaient 2 fois par jour, sans être annoncés.
L’objectif est de renforcer la capacité de l’équipage à réagir en cas d’urgence et d’éviter le type de tragédie qui a pris la vie du Lt. Chris Saunders après un incendie à bord du HMCS Chicoutimi lors de son voyage inaugural vers le Canada en octobre 2004.
Les scénarios sont volontairement réalistes. De la fumée gris-vert, produite par une machine à partir d’huile végétale, remplit le poste central en quelques secondes.
Plusieurs membres d’équipage crient des ordres pendant que l’un d’entre eux se dépêche d’aller chercher un extincteur. Le Lt.-Cmdr. Christopher Robinson, le commandant du sous-marin, garde un oeil sur son chronomètre.
"Qu’est-ce que vous êtes supposé faire ?" crie Robinson à l’un d’entre eux.
Lorsque l’exercice est terminé et que la tension s’apaise, le commandant en second du sous-marin déclare que plus de travail doit être effectué avec les stagiaires.
"Cela peut se dérouler plus facilement, et si du personnel complètement formé s’était occupé de l’incident, cela serait allé beaucoup plus vite," indique Alex Kooiman.
"Mais l’une de nos principales tâches est de former la prochaine génération de sous-mariniers."
Ces exercices brisent la routine tranquille de l’équipage, mais même les tâches les plus quelconques représentent un défi spécial à bord d’un sous-marin.
Dans la salle des torpilles, le sommeil de certains stagiaires est dérangé lorsque l’un d’entre eux heurte une manette de la terre, se blessant au front. Sa blessure devra être soignée par le médecin du bord qui posera un point de suture.
Le maître Blair Jensen, un torpilleur qui est embarqué depuis 13 ans sur des sous-marins Canadiens, admet que le confort de sa maison lui manque de temps en temps.
"Qui ne voudrait pas être sur son canapé en cuir plutôt qu’être assis ici ?" explique Jensen.
Les sous-mariniers reçoivent leur propre sac de couchage et dorment dans des couchettes lorsqu’ils ne sont pas de quart.
La vie privée est rare. Ceux qui veulent dormir doivent apprendre à oublier les conversations et à se concentrer sur le bruit hypnotique des vagues sur la coque.
Inévitablement, l’appel de la nature intervient, et avec lui commence un exercice d’équilibre et de détermination dans un cabinet de la taille d’une cabine téléphonique pendant que l’océan secoue le sous-marin dans tous les sens.
Une affiche sur la paroi insiste sur l’importance de la discrétion, même dans les toilettes : "Lorsque vous vous soulagez, soyez silencieux parce que vous ne savez pas qui écoute."
Un tuyau, dirigé vers le milieu de la cuvette, termine le processus — mais pas avant que le jet à heute pression n’ait provoqué des éclaboussures.
Peu importe. Ce qui tombe en dehors de la cuvette fait peu de différences après quelques jours. L’odeur forte des diesels s’infiltre dans tout. Un des sous-mariniers vétérans conseille : gardez vos vêtements de sous-marin dans un placard différent de vos habits civils.
Prenez un morceau de savon et vous pouvez être accusé de prendre une "douche Hollywoodienne."
Tout le monde pue et personne ne s’en préoccupe.
A un moment, le sous-marin plonge et chaque membre de l’équipage penche légèrement vers l’arrière. Un plat sur le bord de la table glisse avant que quelqu’un ne l’attrape.
Pour des raisons de sécurité, l’immersion de navigation est classifiée. Mais selon la marine, le sous-marin peut plonger à plus de 200 mètres.
Le HMCS Corner Brook est l’un des 4 sous-marins de la classe Victoria que le Canada a acheté au gouvernement Britannique en 1998 pour 891 millions de $. Les sous-marins de 2.400 tonnes sont depuis l’objet d’une attention intense, entretenue par des histoires de fuites, de de soupapes fendues et de tuiles acoustiques disparues.
En juin 2003, par exemple, le HMCS Corner Brook a été contraint de revenir d’urgence en surface après une voie d’eau de 500 litres dans la salle des machines.
Mais la marine insiste sur le fait que ces problèmes ont été corrigés, et montre le récent voyage sans aucun problème du sous-marin vers l’Arctique.
Dans une cuisine qui n’est pas beaucoup plus grande qu’un appentis, le Sgt. Patrice Masse prépare des repas surprenament délicieux, dont l’odeur remplit l’air froid et vicié.
"Il n’y a pas grand chose à faire à bord — dormir, manger, vous savez ?" explique Masse. "Donc manger leur rappelle un peu la maison. ... C’est à propos du moral. Un équipage bien nourri est un équipage heureux."
Malgré l’espace limité — le sous-marin ne fait que 7,6 mètres de large — Masse prétend que réussir à nourrir 59 personnes est facile. Chaque boite, couteau, ustensile a sa place, occupant le moindre petit espace.
"Ce n’est pas aussi difficile que cela en a l’air," explique-t-il, découpant des steaks. "Après quelques temps vous savez de quoi vous avez besoin, ce que les gens aiment. Vous savez qui mange énormément et qui mange très peu."
Le repas est avalé rapidement. Les 3 salles à manger ne peuvent accueillir chacune que 6 sous-mariniers à la fois.
Lorsqu’ils ne mangent pas, qu’ils ne dorment ou qu’ils ne s’entraînent pas, une partie de l’équipage esquive des balles et lance des grenades dans Ghost Recon Advanced Warfighter, un jeu vidéo à un seul joueur sur Xbox 360.
D’autres fument pour passer le temps. Mais la marine envisage d’interdire cette habitude. Elle a récemment changé les règles en n’autorisant que 3 personnes à la fois à fumer dans une zone fermée par des rideaux en caoutchouc, et seulement lorsque le moteur diesel fonctionne afin que la fumée soit aspirée.
De retour au-dessus de la surface, une troupe de marsouins joue avec la proue, bondissant en dehors de la houle de 2 mètres. Depuis le kiosque, c’est un jour clair et calme dans les Grands Bancs. La visibilité est illimitée. Aussi loin que l’oeil peut voir, le vaste espace est vide, le ciel et la mer se joignent dans des variations de bleu.
Cette scène est un contraste frappant avec celle qui se déroulera plusieurs heures plus tard, à l’intérieur du sous-marin.
Au milieu de la fausse fumée, Robinson utilise son approche dur-doux depuis son fauteuil de commandant.
"Prenez le quart !" ordonne-t-il à un des stagiaires.
Mais son comportement bourru contredit la camaraderie qu’il a installé avec l’équipage.
"Les hommes sont un groupe étroitement soudé," raconte le Lt. James Chase, un officier en formation.
Kooiman, le commandant en second du sous-marin, prépare plus tard le lancement simulé de 2 torpilles.
En fait, c’est un jet d’eau, mais le contre-coup à l’intérieur du sous-marin n’est pas moins puissant. Lorsque le coup est tiré, un jet de vapeur explose par l’un des tuyaux.
"Et nous faisons certains trucs assez intéressants," sourit-il.
Source : The Canadian Press