Exposition « Les Génies de la Mer »

  • Dernière mise à jour le 31 mars 2005.

On l’appelle "le Roi Soleil", probablement le monarque le plus ostantatoire dans l’histoire du monde. Mais derrière cet apparat de Louis XIV apparait l’instinct d’un politicien averti - un homme qui a dirigé la France pendant 72 ans, la transformant en la grande puissance européenne. La culture française est devenue sous son impulsion la plus admirée au monde.

Le pouvoir et la magnificence étaient très proches sous le règne de Louis XIV et son héritage est révélé dans une somptueuse exposition qui s’ouvre le 7 avril en Australie, à l’Australian National Maritime Museum. Le titre de l’exposition, Les Génies de la Mer - Chefs d’oeuvre de la sculture navale française, peut sembler ésotérique mais c’est plus une exposition sur le pouvoir et l’apparence que sur la mer en tant que telle. Daina Fletcher, le curateur du musée, écrit "Les visiteurs allaient à Versailles pour voir des scultures comme celles-ci. Maintenant elles sont à Sydney."

Montrées pour la première fois au Musée national des beaux-arts du Québec en 2001, puis au Palais de Chaillot à Paris pendant deux ans, l’exposition explore 200 ans d’art maritime français, montrant en particulier les scuptures très élaborées qui décoraient entre 1660 et 1860 les navires militaires français.

Bien sûr, il n’y avait rien de nouveau à décorer les navires. Les hommes le faisaient depuis qu’ils avaient appris à en construire. Mais - selon Mario Beland, co-organisateur de l’exposition à Québec - le Roi Soleil a porté l’ornementation navale à un niveau supérieur, reconnaissant la valeur d’exemple et de propagande de la décoration de ses navires. Chaque navire de guerre était à l’époque un Versailles flottant, symbolisant la supériorité de la civilisation française et le pouvoir du monarque. Les mêmes artistes et sculpteurs qui avaient décoré les palais de Louis XIV étaient chargés de développer une iconographie navale - selon les mots du ministre, Jean-Baptiste Colbert, "de répandre en mer la magnificence de Sa Majesté".

Nulle part cela n’a été plus évident que sur les galères de l’époque, utilisant des prisonniers comme galériens. La plus magnificente était sans aucun doute La Reale, la galère royale, surchargée de sculptures magnifiques et dorées.

Fort heureusement, ces ornements - comme le reste des oeuvres montrées à Sydney - ont été sauvés de la destruction dans les chantiers navals français à la fin du 19ème siècle. Pas par le gouvernement ou par des curateurs de musée, mais par les artisants qui avaient réalisé ce travail énorme. Ils ont été exposés une fois au Louvre. Ils sont aujourd’hui la propriété du Musée national de la Marine à Paris, et sont considérés comme la plus extraordinaire collection de sculptures navales au monde.

C’est un miracle que de tels trésors aient survécu à tous les événements dramatiques de l’époque.

La première choise que les visiteurs vont voir en entrant dans le musée est une magnifique sirène - la figure de proue du navire personnel de la reine Marie Antoinette. Juste à coté, un aigle impérial, l’un des 6 de la barge impériale portant Napoléon lors de son dernier voyage.

A Sydney - comme à Québec et Paris - l’exposition est organisée de façon thématique plus que chronologique, montrant tout le processus de création grâce à des dessins originaux, des huiles, des modèles en cire et les oeuvres terminées.

Les sculptures et les oeuvres sont un commentaire de l’histoire agitée de cette époque. Lorsque le Roi Soleil meurt en 1715, les ambitions françaises de rivaliser la puissance maritime britannique firent de même. Les économies et le bon sens ont forcé ses successeurs à réduire l’ornementation, ramenant les navires français au niveau de ceux de la Royal Navy.

La révolution française de 1789 a inspiré des changements dans les chantiers navals. Désormais les navires étaient baptisés de noms idéalistes comme "Les Droits de l’Homme", et l’iconographie a suivi le changement, empruntant les symbôles classiques d’une république précédente : Rome. L’une des oeuvre les plus belles de l’exposition date de cette époque : une figure de proue grandeur nature de la frégate La Poursuivante.

Bien que Napoléon soit plus connu pour ses campagnes terrestres, son histoire navale réapparait à l’approche du 200ème anniversaire de sa défaite à Trafalgar. Sous Napoléon, les chantiers français ont été réorganisés et de nouveaux navires construits. Jusqu’à sa chute à Waterloo en 1815, l’aigle impérial de Napoléon est illustré dans sa marine.

Mais l’économie, le coté pratique et la technologie allaient bientôt signé l’arrêt de mort de la sculpture navale en général. En 1829, un décret ministériel décide que pour économiser de l’argent, toutes les figures de proue seraient désormais de simples bustes plutôt que le corps entier. Dans les 30 années suivantes, la vapeur allait remplacer la voile, et l’acier le bois. Il n’y avait plus de place pour la frivolité. Le soleil s’était finalement couché sur l’héritage maritime du Roi Soleil.

Les Genies de la Mer - hefs d’oeuvre de la sculture navale française se tient à l’Australian National Maritime Museum, à Sydney entre le 7 avril et le 9 octobre.

Source : The Sydney Morning Herald