Le Monténégro vend les derniers vestiges de la Marine Yougoslave

  • Dernière mise à jour le 23 mai 2007.

La Yougoslavie était un des seuls pays au monde àconstruire des sous-marins. A la fonderie se trouvent deux mini submersibles d’assaut et le gigantesque Sava 831, réalisé dans les chantiers de Spalato àla fin des années 70. 830 tonnes, 50 mètres de long, il descend à300 mètres de profondeur. Son armement comprend six rampes lance-torpilles. La trappe, sur la tourelle, est fermée par une chaînette. En Italie, je n’y attacherais pas un vélo. Un marin arrive avec la clé et monte sur la coque. Profitant d’un moment de distraction de notre guide, je m’approche de lui timidement : « Est-ce qu’on peut ? ». Le militaire me dévisage méfiant puis fait signe de le suivre : « Si vous y tenez, entrez donc, de toute façon même celui-ci est en vente. Attention juste où vous mettez les pieds ».

Sasa bouge rapidement en bas de la tourelle du périscope et dans les couloirs du bateau. Alors qu’il allume et éteint les moteurs, il raconte la vie à bord en montrant les couchettes qui accueillaient un tour de marins, alors que les deux autres étaient au travail. Cycle ininterrompu. L’espace n’est pas grand, les lits de camps sont partout. Il y en a un au milieu des lance-torpilles. Il y a même l’espace pour la pause cigarette : « Quand nous étions en dessous, c’était le seul moyen de fumer », il me fait le geste de la cigarette près des deux poumons qui filtrent l’air du diesel. Rien qu’à l’idée, je me sens claustrophobe. Istriano a 45 ans. C’est un des marins croates qui en 91, ont choisi de rester avec la Yougoslavie. Pour lui les perspectives ne sont pas roses. Une seule chose est certaine, la marine du Monténégro n’aura plus de sous-mariniers. « D’ici un mois et demi, ils n’auront plus de travail. Ici on privatise tout, ça devient un État privé. Que deviendrons-nous ? »

Au Ministère de la Défense, à Podgorica, on me confirme que les submersibles sont tous en vente : « Nous les vendons pour les recycler », explique le colonel Marinovic. « Nous en avons vendu trois il y a quelques semaines, ils sont en train d’être démontés en ce moment. Ceux qui restent, on les met en vente aux enchères de la même manière. Le plus cher a été vendu pour 130.000 euros ».

Les sous-marins peuvent en effet être achetés par n’importe qui. Même par les particuliers. A la base, on me dit qu’un des trois « classe Sava » a été emmené en l’état, sur un remorqueur. L’acquéreur serait un citoyen turc. Le colonel Marinovic nous rassure : les techniciens de l’armée feront le nécessaire pour le démontage. Bien sûr, cela a dû être dur pour les marins de le voir partir ainsi. J’essaye de poser la question au capitaine Vujadinovic, mais il ne veut rien dire. Face aux insistances du journaliste fouineur (« Mais que peut-on bien faire d’un sous-marin » ?), il ne cède qu’un instant : « Quand nous l’avons vu sortir, nous nous sommes signés », me dit-il entre les dents. Et il se signe.

Source : Le Courrier des Balkans