La Marine Espagnole commence ce printemps l’achat de ses 24 premiers missiles Tomahawk pour 72 millons d’€

  • Dernière mise à jour le 14 mai 2007.

L’Espagne franchira ce printemps le pas définitif pour devenir le 3è pays (après les Etats-Unis et le Royaume-Uni) àdisposer du missile Tomahawk, le plus puissante outil de la puissance militaire américaine dans des guerres comme le Golfe, le Kosovo, l’Afghanistan ou l’Irak. Le programme d’acquisition des 24 premiers missiles, pour un montant de 72 millons d’€ — qui comprend son intégration àbord des frégates F-100 et des sous-marins S-80 —, commencera lorsque l’US Navy remettra le document d’offre et d’acceptation, qui reflète les conditions négociées avec le fabricant, l’américain Raytheon.

Le nouveau missile de la Marine Espagnole

L’acquisition du Tomahawk correspond à un saut qualitatif pour la Marine Espagnole. Pour la première fois, elle disposera d’un missile capable d’atteindre un objectif situé à une distance de 1.600 kilomètres avec une marge d’erreur de 10 mètres. Et elle pourra le faire sans avoir besoin de risquer ses pilotes (comme c’est le cas pour les missiles lancés depuis un avion), depuis la sécurité d’un navire ou d’un sous-marin situé hors de portée d’une éventuelle représaille.

L’arme qui permettra de le faire est le Tac-Tom (Tomahawk Tactique ou Block IV), un missile subsonique d’attaque contre la terre et d’une portée inférieure à ses prédécesseurs stratégiques, mais doté d’améliorations sensibles, qui permettent de le reprogrammer en vol ou de choisir parmi 15 cibles alternatives.

Une fois que le ministère de la défense aura accepté le document d’offre et d’acceptation de l’US Navy, le programme se mettra en marche, avec un premier versement de 4 millions d’€ pour cette année et un coût total de 72 millons, réparti sur 8 ans.

Avec cet argent, la Marine Espagnole n’achète pas seulement les 24 premiers missiles (chacun coûte environ 500.000 €), mais aussi, et surtout, la formation et l’entraînement des équipages et l’adaptation des plateformes.

Opérationnels en 2012

Les contacts entre les états-majors de la Marine Espagnole et l’US Navy pour le transfert du Tomahawk ont commencé en avril 2002. La vente a été approuvée par la Marine Américaine, mais pas par le Pentagone, qui a finalement donné son feu vert en juin 2005 dans une lettre du secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, à son homologue espagnol, José Bono, qu’il avait rencontré un mois auparavant à Washington.

Pendant ce temps, au cours de nombreux échanges de visites, la Marine a effectué l’étude de viabilité pour installer le Tomahawk sur les F-100 et les S-80. En chemin, d’autres alternatives européennes, comme le Scalp [1] — la version navale du Storm Shadow de MBDA qui est encore en phase de développement —, ont été écartées.

L’achat se fera au travers du programme FMS [2], dans le cadre duquel l’US Navy sert d’intermédiaire entre la Marine Espagnole et Raytheon. A la première livraison de 24 missiles, s’ajouteront de nouvelles livraisons, puisque les besoins sont estimés à environ 12 missiles par frégate.

En ce qui concerne le S-80, le chantier naval espagnol Navantia et la firme américaine Lookheed Martin, fabriquant du système de combat, négocient déjà un accord d’assistance technique pour intégrer le missile à bord du sous-marin.

Au final, le plus difficile n’est pas d’obtenir le Tomahawk, mais de pouvoir l’utiliser de manière autonome, c’est à dire sans dépendre des Etats-Unis pour chaque utilisation. Sans cette autonomie, l’effet dissuasif sera sérieusement diminué, puisque l’éventuel ennemi pourrait s’adresser directement aux Etats-Unis sans avoir besoin de s’entendre avec l’Espagne.

Les sources militaires reconnaissent que, dans un premier temps, la capacité de la Marine Espagnole n’ira pas beaucoup plus loin que d’“appuyer sur le bouton”, pendant que la sélection des cibles sera entre les mains des Etats-Unis. L’utilisation du Tomahawk se limitera aux cas où les forces armées espagnoles font partie d’une coalition avec les Etats-Unis.

Cependant, les mêmes sources soutiennent qu’à moyen terme, il sera possible d’obtenir une certaine autonomie, de manière à pouvoir utiliser le missile sans assistance extérieure [3], bien qu’il perde en précision.

Tous les systèmes d’armes de dernière génération sont moumis à des restrictions techniques du constructeur. Mais dans le cas du Tomahawk, elles rendent son utilisation irréalisable. Le missile, qui se dirige sur son objectif en volant à basse altitude, a besoin du soutien d’un réseau de satellites de communication et d’observation (en commençant par le GPS) dont l’Espagne ne dispose pas.

Son fonctionnement se base sur un système qui compare le profil du terrain et les images prises par sa caméra avec les données qu’il a en mémoire. Si l’Espagne veut établir une liste d’objectifs, en dehors de ceux autorisés par les Etats-Unis, elle devra étudier et mettre à jour ses propres moyens de calcul.

Ce sera le rôle attribué au Centre de Planification Nationale du Tomahawk que la marine veut créer à moyen terme. Alors seulement, on pourra dire que l’Espagne est propriétaire d’un missile de croisière.

Notes :

[1Le missile Scalp-Naval équipera les frégates FREMM et les SNA Barracuda. D’un poids de 1.4 tonne, ils ont une portée supérieure à 1000 kilomètres. Et surtout, ils ne sont pas soumis aux restrictions d’emploi et d’exportation dictées par Washington. Leur mise en service est prévue pour 2013 pour les FREMM et 2016/2017 pour les Barracuda.

[2Foreign military sales : ventes militaires à l’étranger.

[3NdT : sous-entendu “sans assistance des Etats-Unis”.

Source : El País (Espagne)