Sur la "Jeanne d’Arc", un élève officier indonésien se prépare au pire

  • Dernière mise à jour le 12 janvier 2005.

Lorsqu’il a commencé en décembre son stage àbord du navire-école de la Marine française la "Jeanne d’Arc", Sandy Kurniawan ignorait que sa mission allait le conduire au large de son pays, l’Indonésie.

Parmi les 25 élèves officiers étrangers à bord, l’enseigne de vaisseau Sandy Kurniawan est le seul indonésien de l’équipage de la Jeanne d’Arc qui a dérouté sa mission pour apporter de l’aide humanitaire dans la région de Meulaboh, dans le nord-ouest de Sumatra.

La "Jeanne d’Arc" effectue chaque année une campagne d’application en mer, qui prépare une grosse centaine d’officiers élèves à leur futur métier. Parmi eux figurent traditionnellement quelque 25 étrangers, dans le cadre d’échanges.

Né il y a 27 ans à Bogor, dans l’ouest de l’île de Java, Sandy Kurniawan explique qu’il avait "le rêve d’enfant de faire carrière dans la marine".

"Mon grand-père était dans l’armée de l’air et depuis aucun membre de ma famille n’a été militaire. L’Indonésie étant un immense archipel, je rêvais de parcourir par la mer ce qui fut un royaume maritime avant l’indépendance", explique le jeune homme qui, à bord, garde l’uniforme de son pays.

Diplômé de l’académie navale de Surabaya qu’il intègre en 1996, il sert comme élève officier à bord de la frégate Kri Yossudarso, puis durant un an sur la corvette Kri Wiratno.

Pour lui, "la mer en Indonésie, c’est ce qui relie les îles entre elles. Cela représente aussi huit millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive. C’est vital".

Et lorsque cette mer devient mortelle, lors du raz-de-marée du 26 décembre dernier, l’enseigne de vaisseau Kurniawan se trouve en escale à Djibouti, la deuxième escale après Tunis. La "Jeanne d’Arc" a appareillé de son port d’attache Brest (Finistère) le 8 décembre dernier.

Quelques mois auparavant, il avait rapidement appris les rudiments du français, ses supérieurs l’ayant désigné pour ce stage sur cette véritable université flottante de la Marine française.

"Lorsque j’ai appris qu’un raz-de-marée avait touché l’Indonésie, j’étais sur le bâtiment d’accompagnement de la "Jeanne", le "Georges Leygues". Je regardais la télévision. Puis j’ai compris que ce qui s’était passé était très grave, notamment en appelant ma famille et un ami officier qui a perdu ses grands-parents à Aceh".

Dans le "poste 15" où il dort en compagnie d’un élève officier allemand et sept autres français, il ressent "beaucoup de sympathie". "On prend quotidiennement de mes nouvelles et celles de ma famille".

Puis la France décide début janvier de dérouter la "Jeanne d’Arc" et l’envoyer en renfort humanitaire au large de l’Indonésie. Les journées de Sandy Kurniawan changent alors imperceptiblement. Rythmées par l’alternance de cours théoriques et de quarts en passerelle et au "centre opération", elles prennent une autre urgence.

Sandy Kurniawan rédige à la hâte un lexique des mots incontournables à destination des légionnaires et des équipes médicales embarqués à Djibouti et qui vont descendre à terre dès la "Jeanne d’Arc" au large des côtes indonésiennes, vraisemblablement vendredi.

Et il se prépare à son nouveau rôle : "Il nous aide dans l’analyse de la situation et dans les contacts avec les autorités indonésiennes, il sera notre officier de liaison", explique le commissaire en chef Christophe Bergey, chargé des relations publiques de la "Jeanne d’Arc".

Lui avoue se "préparer au pire".

Source : L’internaute