La menace navale représentée par la Chine sur-évaluée

  • Dernière mise à jour le 10 juin 2009.

La marine de la Chine — officiellement, la marine de l’Armée Populaire de Libération — a organisé le 23 avril avril dernier une impressionnante revue navale dans le port historique de Qingdao, à l’occasion du 60è anniversaire de la fondation de la marine. Quelque que soit le critère retenu, cet événement a été un grand succès. Au delà d’un contingent chinois de 2 sous-marins nucléaires et 2 classiques, 5 destroyers lance-missiles et 6 frégates, il y avait 21 bâtiments représentant 14 autres pays. La marine nationale était représentée par la frégate Vendémiaire et l’amiral Vichot, commandant la zone maritime du Pacifique.

Selon de nombreux journaux américains et, évidemment, de nombreux bloggers, cet événement a révélé la “menace” croissante que représentait la marine chinoise pour les intérêts occidentaux. En effet, un blog du magazine Time montrait une photo prise par l’Associated Press (AP), d’un bâtiment chinois avec la légende "Un soldat de la marine chinoise garde un cuirassé dans le port de Quingdao..." Cependant, la photo montrait un navire ressemblant probablement à une frégate. La Chine ne possède pas de cuirassé, pas plus qu’aucun autre pays.

D’autres articles — certains reprenant des déclarations officielles chinoises selon qui des porte-avions seront construits "à l’avenir" — racontent comment la marine chinoise est sur le point de dépasser l’US Navy, bien qu’on ne sache pas exactement comment. En effet, un article de l’agence AP explique que les sous-marins nucléaires chinois "sont considérés comme étant seulement juste en dessous des sous-marins les plus modernes, russes et américains."

La réalité est très différente. D’abord, une simple comparaison numérique est trop souvent trompeuse. Mais la quantité est bien souvent parlante. Par exemple :

Type de bâtimentEtats-UnisChine
Porte-avions nucléaire 11 0
Porte-hélicoptères 11 0
Croiseur lance-missiles 22 0
Destroyers 60 27
Frégates 30 48
SNLE 14 3
SNA 57 6
Sous-marin classique 0 55

Certes, la quantité seule ne peut permettre d’établir une comparaison adéquate. Par exemple, chaque porte-avions nucléaires américain peut mettre en œuvre plus de 60 avions à haute performance. Tous les croiseurs et les destroyers américains disposent du système AEGIS, un radar et un système de contrôle de tir très performant. Seuls quelques rares bâtiments chinois disposent de l’équivalent. De même, tous les croiseurs et destroyers disposent de systèmes de lancement verticaux pour lancer des missiles de croisière Tomahawk pour frapper la terre ainsi que des missiles anti-aériens. Les Chinois ne disposent pas de missiles pouvant frapper la terre et leurs missiles anti-aériens sont inférieurs.

D’autre part, il n’y a aucune preuve publique que les SNLE chinois disposent de missiles opérationnels, et aucun n’a effectué de patrouille de longue durée. Aucune patrouille de longue durée n’a non plus été effectuée par un SNA et relativement peu ont été effectuées par des sous-marins classiques.

La seule catégorie dans laquelle la marine chinoise est en mesure de menacer l’US Navy — selon l’auteur de l’article, Norman Polmar — est celle des sous-marins classiques. La marine chinoise dispose de sous-marins modernes, de construction russe, des Kilo (Projet 877EKM) ainsi que des sous-marins classiques de conception locale. Un programme de sous-marin à propulsion anaérobie est en cours.

La capacité de l’US Navy à détecter ces bâtiments, spécialement dans les zones côtières, est limité. Pendant 2 ans, la preuve en a été apportée lorsque l’US Navy a fait navigué un sous-marin suédois à propulsion anaérobie, le Gotland, "loué" pour des exercices de lutte anti-sous-marine. Selon les officiers suédois, les groupes de porte-avions américains qui se sont frottés au Gotland au large de la Californie, ont à chaque fois échoué à localiser le sous-marin.

On sait moins de chose sur les résultats et les leçons tirés des exercices réguliers effectués avec des sous-marins classiques d’Amérique du Sud.

La marine chinoise, soutenue par une armée de l’air importante et des missiles anti-navires basés à terre, pourrait très probablement interdire les opérations de surface et aériennes américaines le long des côtes chinoises et dans le détroit de Taïwan. Pour l’instant, les opérations des sous-marins nucléaires américains dans ces régions semblent encore faisables. Ces sous-marins, armés de torpilles, de mines et de missiles Tomahawk, disposent d’une formidable capacité de combat.

Mais les scénarios les plus probables pour un conflit américano-chinois envisage désormais un conflit dans le Tiers-Monde, au large d’une zone riche en ressources, comme l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Et aujourd’hui, et dans l’avenir prévisible, la marine chinoise ne peut pas projeter de puissance politique ou militaire significative à de telles distances. Développer une telle capacité prendrait au moins une décennie, et même plus longtemps.

— Norman Polmar

Source : Defense Tech (Etats-Unis)