France et Grande-Bretagne avaient conclu en 2000 un accord de coopération

  • Dernière mise à jour le 17 février 2009.

La collision entre 2 SNLE français et britannique pourrait avoir été le résultat du manque de communication entre la France et ses partenaires de l’OTAN, selon un ancien commandant de sous-marin britannique dont les déclarations sont en partie confirmées par un responsable de la marine nationale.

Dans la nuit du 3 au 4 février, le HMS Vanguard et le Triomphant sont entrés en collision au milieu de l’Atlantique. L’accident s’est probablement produit parce que les 2 sous-marins ignoraient la présence de l’autre.

L’OTAN utilise un système de gestion des zones de plongée qui avertit les nations alliées des zones de mission des sous-marins amis. Le système est conçu pour éviter les collisions. Mais comme la France ne fait pas partie de la structure intégrée de l’OTAN, elle ne fournit pas l’information sur la position de ses SNLE, selon Julian Ferguson, qui a commandé un des 4 SNLE britanniques jusqu’à sa retraite en 2006.

"Il y a un système pour la gestion des zones de plongée au large des pays de l’OTAN. Si vous voulez aller dans la zone de responsabilité de quelqu’un, vous devez lui dire ce que vous faites. Mais si vous ne faites pas partie de la structure militaire de l’OTAN, vous n’êtes pas obligé de le faire," explique Ferguson.

La marine nationale a confirmé au magazine TIME qu’elle ne donne pas la position de ses SNLE aux forces de l’OTAN : "La France ne donne aucune information concernant la position de ses armes nucléaires ou des sous-marins qui les transportent, parce que la France considère son arsenal nucléaire comme l’élément le plus vital de ses capacités de défense," a indiqué Jérome Erulin, porte-parole de la marine nationale.

Des sources de l’OTAN ont précisé à TIME que la France n’était pas la seule à ne pas communiquer sur ses SNLE — les britanniques et les Américains gardent eux-aussi secrète la position de leurs propres SNLE. Dans un communiqué, un porte-parole de l’OTAN a expliqué : "La France utilise les mêmes procédures que les autres alliés en ce qui concerne sa flotte sous-marine."

Mais Ferguson explique que les Français sont particulièrement secrets à cause de leur position en dehors de la structure de commandement de l’OTAN. Et de précédentes discutions au niveau politique montrent que certains s’inquiétaient du manque de communication. En 1994, la Grande-Bretagne et la France ont discuté d’une coopération plus étroite entre leurs marines et d’un possible partage des zones de patrouille de leurs SNLE. Il a fallu attendre jusqu’en septembre 2000 pour que l’accord soit formalisé dans l’accord bilatéral de coopération de défense. Cet accord prévoit des escales pour les SNLE français et britanniques et des échanges réguliers sur la politique nucléaire.

Mais on ignore s’il comprenait l’échange d’information sur la position des SNLE, et de nombreux spécialistes disent que ce n’était probablement pas le cas. "Le fait que la collision s’est produite montre que les 2 alliés ont besoin de plus se parler," indique Hans Kristensen, qui surveille les armes de l’OTAN pour la federation of American scientists.

Alors que la rencontre de 2 sous-marins nucléaires, équipés de sonars performants, dans un vaste océan peut paraître très improbable même sans aucune communication, il y a des facteurs environnementaux dans l’océan Atlantique qui rende une collision plus probable, selon Ferguson. Les SNLE, par exemple, ont tendance à se rassembler dans des zones où il est peu probable qu’ils soient découverts par d’autres sous-marins ou des avions-espions. "Il y a des facteurs océanographiques qui font que la température peut être très différente de chaque côté d’un front océanique. Là où passe le Gulf Stream dans l’Atlantique est un des principaux endroits où cela arrive. Parfois, ces barrières naturelles peuvent être très étanches — absolument aucun son ne les traverse. Et si votre mission est de vous cacher, alors vous vous cachez dans ce voisinage. Il y a un risque accru que, compte-tenu de ces facteurs environnementaux, vous ne puissiez pas entendre un autre sous-marin à temps pour manœuvrer et éviter une collision."

Si, en fait, la collision avait pu être évitée par une meilleur communication entre la France et l’OTAN, l’accident intervient à un moment politiquement sensible : la France prévoit de rejoindre en avril la structure de commandement de l’OTAN. Sa politique de secret sur la position de ses SNLE pourrait être mise en cause avant cela, en particulier parce que les Français disent qu’ils ne changeront pas d’avis sur la question. Comme l’explique le commandant Erulin de la marine nationale : "C’est parce que c’est essentiel pour les intérêts de défense stratégiques de la France, c’est quelque chose qui sera maintenu même après que la France ait entièrement réintégrée la structure de commandement de l’OTAN."

Source : Time Magazine (Etats-Unis)