L’Australie n’a pas de moyens fiables pour secourir ses sous-marins

  • Dernière mise à jour le 3 février 2009.

Lorsque l’Australie a pris la décision de construire des sous-marins de la classe Collins, elle avait aussi décidé de créer et gérer son propre système de sauvetage pour sous-marins.

Après avoir souffert au départ d’importants problèmes, les sous-marins de la classe Collins sont un succès et constituent un élément indispensable de la défense du pays.

Mais l’histoire du service de sauvetage des sous-marins est beaucoup moins glorieux.

A l’heure actuelle, il n’y a aucun moyen de sauvetage en profondeur (entre 180 et 500 m) disponible en Australie pour les sous-mariniers, 13 ans après que le gouvernement australien ait promis de développer un système national de sauvetage efficace.

C’est un exemple scandaleux de mauvaise gestion, qui n’a pas reçu l’attention politique qu’il méritait simplement parce que l’Australie a eu la chance de ne pas avoir connu d’accident comme celui du Koursk.

Si un sous-marin australien se retrouvait aujourd’hui bloqué au fond de la mer, la marine australienne devrait demandé à la Grande Bretagne de lui envoyer par avion un de ses sous-marins de sauvetage vieillissants, les LR5.

Lorsqu’un navire aura été trouvé pour transporter le LR5 et que celui-ci aura atteint le lieu de l’accident, il est très probable que l’équipage, qui n’aurait que 5 jours d’air et de nourriture, aurait péri.

Comment en est-on arrivé à cela, qu’en 2009, la vie de sous-mariniers australiens soit soumise à un tel risque inutile ?

L’histoire commence en 1994, quand Australian Submarine Corporation à Adélaïde est chargé de construire un système de sauvetage australien qui soit compatible avec les nouveaux sous-marins de la classe Collins.

La proposition prévoyait de concevoir le tout premier véhicule de sauvetage télécommandé au monde, qui pourrait se fixer sur un sous-marin en détresse ayant une gite importante et secourir jusqu’à 6 marins à la fois.

Ce véhicule de 16,5 tonnes, qui a été conçu, construit, testé et livré en 1995, était baptisé le Remora, le nom du poisson suceur qui s’accroche aux requins.

Il était conçu pour offrir aux sous-mariniers la meilleure chance possible de survivre à un accident, même si tous les sous-mariniers savent que les chances de sauvetage réussi sont au mieux modestes.

A part le danger évident des fuites, le choc d’un accident provoque souvent des fumées toxiques ou du dioxyde de carbone, réduisant de manière importante la quantité d’air respirable.

Un sous-marin endommagé peut aussi se poser sur le fond à un angle important, interdisant au véhicule de sauvetage de s’amarrer.

Et il y a aussi la question de la profondeur.

A des profondeurs inférieures à 180 m, les sous-mariniers sont entraînés à sortir seuls du sous-marin par un sas de sauvetage et remonter à la surface grâce à une combinaison de sauvetage gonflée à l’air.

Mais à des profondeurs comprises entre 180 m et 500 m, le Remora est nécessaire pour sauver l’équipage.

Ces eaux relativement peu profondes ne se trouvent que sur le plateau continental d’Australie, qui s’étend sur environ 30 km au large de la base sous-marine de la côte ouest, et encore moins au large de Sydney.

Dans les eaux profondes situées au-delà du plateau continental, un sous-marin en détresse serait écrasé par la pression de l’eau longtemps avant d’atteindre le fond.

L’exemple peut-être le plus célèbre est celui de la perte du sous-marin nucléaire d’attaque USS Thresher, après un accident survenus lors d’essais en eau profonde en 1963.

Le sous-marin, et ses 129 membres d’équipage, a coulé par 2.560 m de fond et implosé entre 400 m et 600 m, tuant instantanément tout l’équipage.

Cela aurait été le sort des 55 membres d’équipage du sous-marin australien HMAS Dechaineux, qui s’est trouvé à quelques secondes du naufrage en océan Indien à la suite d’une voie d’eau en février 2003, un incident qui reste le plus grave survenu à bord d’un sous-marin de la classe Collins.

Le plus inquiétant est que, sur les plus de 200 sous-marins qui ont été perdus depuis 100 ans, que ce soit par accident ou par fait de guerre, il n’y a eu qu’un seul sauvetage réussi, celui de l’USS Squalus en 1939.

Au cours d’exercices, le Squalus a connu une voie d’eau et coulé par 74 m au large de la côte est des Etats-Unis. Il restait 33 survivants, bloqués au fond dans le noir et dans le froid.

28 heures plus tard, une grande cloche d’acier était descendue par un navire de surface pour recouvrir le sas de sauvetage du sous-marin, permettant ainsi aux sous-mariniers de remonter.

Tout en reconnaissant que les sauvetages réussis de sous-marins sont une rareté, les marines occidentales pensent qu’elles ont le devoir moral d’avoir un système de sauvetage disponible pour le cas où le sauvetage serait possible.

Mais les ambitions de l’Australie de développer son propre système de sauvetage ont échoué. Avant 1995, pour les sous-marins de la classe Obéron, la marine australienne avait un accord avec l’US Navy pour utiliser un véhicule de sauvetage basé aux Etats-Unis, un accord pour lequel les espoirs de sauvetage rapides étaient extrêmement minces.

Dès le moment où le Remora est entré en service en 1995, le nouveau système de sauvetage a été mal géré.

Une version provisoire d’un rapport de l’Australian National Audit Office sur le système, qui doit être rendu prochainement public, indique "La Defence Materiel Organisation est responsable de la gestion du contrat des services de sauvetage et de secours aux sous-marins.

"Un nombre de problèmes significatifs se sont produits dans la gestion de ce contrat, dont des travaux non approuvés et des changement de configuration qui touchent à l’intégrité du véhicule de sauvetage, le Remora, et le système de treuil de mise à l’eau et de remontée de ce véhicule", indique le rapport.

En 2004, les signaux d’alarme sont apparus. L’organe international de classification maritime Det Norske Veritas s’est inquiété des capacités du système de mise à l’eau et de remonté du Remora (les treuils et les câbles qui mettent le Remora et le remontent sur le navire support).

Un rapport du DNV a ensuite révélé des défauts structurels sur le système de mise à l’eau.

L’année suivante, la marine a ordonné un audit technique du Remora qui a découvert "un certain nombre de problèmes d’obsolescence qui compromettent la fiabilité et le fonctionnement du Remora. En particulier, le système de télémétrie était identifié comme obsolète avec un risque élevé de défaillance en opérations".

En 2006, la marine a ordonné des essais en mer pour le Remora bien qu’elle ait été averti par l’entreprise chargée de la mise en œuvre que les essais après réparations n’avaient pas été terminés.

En décembre 2006, on est passé très près de la catastrophe lorsque le câble reliant le Remora au navire support s’est rompu. 2 hommes sont restés bloqué par 140 m de fond au large de Perth pendant 12 heures.

Les 2 hommes ont été sauvés mais le Remora a été abandonné au fond pendant 4 mois avant d’être envoyé au Canada pour une remise en état.

En décembre 2007, alors que le Remora était toujours en réparation, le DMO a demandé une étude de sécurité pour identifier les problèmes de sécurité liés au sauvetage des sous-marins.

Ce rapport a identifié "l’absence d’un système fiable de gestion de la sécurité" et que l’entretien du matériel de sauvetage était inadéquate. Depuis, les choses sont allées de mal en pis.

20 mois après avoir coulé, le Remora est abandonné dans un hangar de Perth, attendant des essais à la mer pour pouvoir récupérer sa certification complète.

De toutes manières, le Remora ne peut pas être utilisé parce que le système de mise à l’eau n’a pas reçu sa certification de sécurité, suite à de nouvelles exigences de sécurité imposées par le DNV.

Le DNV a informé la marine australienne qu’elle doit renforcer la structure et ajouter des contrôles automatiques avant qu’il n’accorde un certificat de sécurité.

Comme cela couterait des millions de $, la marine reconnait maintenant qu’elle explore des options pour un système de sauvetage entièrement nouveau.

Mais un nouveau système de sauvetage basé en Australie ne sera pas opérationnel avant au moins un an.

Non seulement, le ministère australien de la défense a perdu ses capacités de sauvetage, il a aussi mal géré ses capacités à entraîner les sous-mariniers au sauvetage.

En 1985, la défense a construit une installation d’entraînement au sauvetage à Perth, que le site internet de la marine décrit comme "le plus moderne de son type au monde".

"Il a été spécifiquement construit pour donner aux sous-mariniers la connaissance théorique, l’expérience pratique et la confiance nécessaire pour sortir d’un sous-marin jusqu’à des immersions de 180 m," explique la marine.

"Un simulateur haut de 6 étages, qui reproduit le sas de sauvetage d’un sous-marin, permet de reproduire dans le simulateur le sauvetage d’un sous-marinier."

Ce que le site Internet de la marine ne dit pas, c’est que les sous-mariniers ne peuvent plus l’utiliser à cause d’un problème de contrat, ce qui veut dire que personne ne met en œuvre le centre.

Un contrat entre la marine et l’Australian Submarine Corporation pour mettre le centre en oeuvre s’est interrompu l’an dernier à cause de désaccords sur les clauses du contrat.

Donc, bien que le personnel d’entraînement et un simulateur moderne soient disponibles à Perth, la marine envoie chaque année 100 sous-mariniers faire ce stage sur la côte est du Canada.

A tous les niveaux, le sauvetage et l’entraînement sont dans la tourmente, au moment où la marine a du mal à recruter des sous-mariniers.

A moins d’une volonté politique, il pourrait s’écouler des années avant que l’Australie ne dispose d’un système fiable de sauvetage pour sous-marins.

Source : The Australian (Australie)