La Marine àla poursuite d’un palangrier pirate

  • Dernière mise à jour le 24 novembre 2004.

Le patrouilleur la Moqueuse était, mardi soir, àla poursuite d’un palangrier taïwanais surpris en train de pêcher au large d’Ouvéa.

Le San Sheng, un navire pirate
Plusieurs palangriers taïwanais ont été surpris en infraction dans les eaux sous juridiction française. Ici, le San Sheng, un navire arraisonné fin novembre 2003, après une tentative de fuite et une collision avec un bateau de pêche calédonien.

Le patrouilleur la Moqueuse a appareillé lundi soir pour se lancer à la poursuite d’un palangrier taïwanais surpris, quelques heures plus tôt, en train de pêcher dans les eaux de la zone économique française, au large d’Ouvéa.
On ignorait, hier soir, si le navire en infraction allait pouvoir matériellement et légalement être arraisonné, mais le patrouilleur poursuivait sa course pour se porter à son contact.

C’est dans l’après-midi de lundi qu’un avion de reconnaissance aérienne de la marine a localisé ce navire en action de pêche à une dizaine de milles nautiques de la ligne de partage des eaux entre la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu. Trois autres palangriers, également taïwanais, ont été repérés à la limite de cette ligne, mais côté vanuatais, donc formellement dans la légalité. La Moqueuse a appareillé pour se porter au contact du premier.
Mardi matin, une nouvelle reconnaissance aérienne a permis de vérifier que ce bateau était toujours en infraction dans les eaux sous contrôle de la France.

 Décision ministérielle

Toute la question était hier soir de savoir si le bateau serait toujours en infraction lorsque la Moqueuse parviendrait à sa portée. Concrètement, il faut pour cela que le navire lui-même (ou à défaut une partie de sa ligne de pêche) soit localisé dans les eaux françaises [1]. A cette condition, la Moqueuse est en droit de continuer sa poursuite jusque dans les eaux internationales et d’y arraisonner le bateau. Mais si le palangrier et sa ligne ont quitté les eaux sous juridiction française, le patrouilleur n’est pas en droit de le poursuivre, alors même que l’infraction a été dûment constatée par l’avion de reconnaissance, et que cette constatation autorise des poursuites judiciaires ultérieures.
Ce préalable franchi, reste à savoir si la décision sera prise d’arraisonner le bateau, de saisir sa cargaison, et de le ramener à Nouméa. Cette décision intervient à des échelons relativement élevés de l’Etat. Si le navire s’obstine à fuir et qu’il faut ouvrir le feu, elle dépend même du ministre de la Défense, à Paris.

 Convoitise des pirates

De plus, un arraisonnement de cette nature pose ensuite des problèmes matériels et humanitaires conséquents. Les deux palangriers taïwanais arraisonnés ces deux dernières années sont restés de longs mois à quai à Nouméa, avec leurs équipages dont il a fallu organiser le rapatriement.
En tout état de cause, la traque que mène depuis lundi soir la Moqueuse ne restera pas vaine. La Nouvelle-Calédonie a adopté, depuis des années, une politique de contrôle sévère des pêches effectuées dans les eaux placées sous sa juridiction. Cette politique de préservation des ressources offre aujourd’hui au territoire des eaux sensiblement plus poissonneuses que chez nos voisins, ce qui attire précisément la convoitise des fraudeurs. Le maintien de cet équilibre suppose bien évidemment une surveillance soutenue, et une intervention systématique de la marine dès qu’un bateau étranger tente sa chance du côté français de la ligne de partage des eaux.

 La méthode des palangriers pirates

Les palangriers battant pavillon taïwanais sillonnent l’ensemble du Pacifique et pullulent dans les eaux de la zone économique exclusive du Vanuatu. Nombre d’entre eux s’y assurent un semblant de légalité en tournant à plusieurs sur une seule et même licence de pêche. Compte tenu des faibles moyens de contrôle de la police et de la marine vanuataise, ces navires font à peu près ce qu’ils veulent dans cette zone. Inévitablement, la pêche abondante qui s’exerce a appauvri la ressource dans la zone économique vanuataise. La tentation est donc grande pour ces navires de venir jeter leurs lignes dans les eaux de la zone économique française.

 Jeu de gendarmes et de voleurs

Selon un spécialiste de la question, leur méthode la plus éprouvée consisterait à venir mouiller leurs palangres (lignes dérivantes bardées d’hameçons pouvant dépasser les 100 km) du côté français à la faveur de la nuit. Ensuite, les pêcheurs laissent le poisson pélagique mordre pendant les heures d’obscurité, celles où la surveillance aérienne et maritime est la plus difficile. Puis ils remontent tout ça au petit matin.

Grâce aux courants dominants, les longues palangres repassent parfois toutes seules la ligne de partage des eaux et les bateaux pirates se retrouvent dans la légalité.
Lundi après-midi, l’avion de reconnaissance de la marine française a aperçu quatre navires de pêche. Un seul d’entre eux était côté français, à une dizaine de milles nautiques de la ligne de partage des eaux. Les trois autres étaient côté vanuatais, mais très près de cette même ligne.
Bref, un vrai jeu de gendarmes et de voleurs.
Taïwan est une île à peine plus grande que la Nouvelle-Calédonie, hérissée de montagnes, mais qui abrite 22 millions d’habitants. Pour nourrir autant de gens sur un aussi petit territoire, une seule solution : la pêche intensive.

Ph.F.

Notes :

[1Ces navires pêchent avec des palangres, des lignes d’hameçons d’une longueur de 100 à 180 km, à une profondeur d’environ 300 mètres, et repérées par des bouées munies d’émetteurs radio.

Source : Les Nouvelles Calédoniennes