L’US Navy travaille àbloquer l’accord sur les sous-marins destinés àTaiwan

  • Dernière mise à jour le 7 avril 2006.

L’été dernier, l’U.S. Navy a réclamé au gouvernement de Taiwan la somme de 2.5 millions de $ pour couvrir le coût d’une opération peu connue destinée àaider Taipei àconclure un accord sur la vente de 8 sous-marins diesel de fabrication américaine.

Mais, après avoir investi environ 8 millions de $ depuis 2001, Taiwan a refusé de payer, malgré les avertissements dans 2 mémos de la Navy que, sans autre financement, elle stopperait son opération de "pré-sélection" des sous-marins, une décision qui provoquerait de longs retards et des coûts plus élevés.

Lorsque le Président Bush a approuvé la demande de Taiwan pour de l’armement en avril 2001, l’accord sur les armes a été célébré comme un point tournant dans les relations avec le gouvernement de Taiwan, qui avait réclamé pendant des années le remplacement de ses 4 sous-marins vieillissants - deux d’entre eux avaient été construits aux Etats-Unis pendant la 2nde guerre mondiale - pour dissuader la marine chinoise qui se renforçait rapidement.

Mais, 5 ans plus tard, l’accord entre les USA et Taiwan sur les sous-marins a heurté un écueil, et la responsabilité de la situation repose à la fois sur Taipei et sur Washington.

Pour sa part, Taiwan a échoué à 40 reprises à financer les 12 milliards de $ nécessaires pour les sous-marins à cause d’une bataille politique continuelle sur le coût et le besoin des sous-marins, ainsi qu’à cause des craintes de provoquer la Chine.

Mais, de ce côté du Pacifique, les responsables de l’US Navy ont joué un rôle centrale en bloquant activement l’accord. Leur refus d’exporter des sous-marins diesel a été tacitement accepté par le Pentagone et d’autres responsables de l’administration, dont l’indifférence grandissante a aidé à retarder le projet.

"Alors que les retards se sont accumulés et que le soutien a commencé à diminuer dans l’administration, ceux parmi la Navy qui voulait rendre difficile la conclusion de l’accord, je pense, effectuent un combat d’arrière-garde pour retarder la comclusion et ne sont pas aussi utiles qu’ils le pourraient pour aider à la conclusion de l’accord," a déclaré Randy Schriver, conseiller principal pour l’Asie du Sud-Est au Département d’Etat lorsque Colin Powell était en poste.

Le député républicain Rob Simmons, dont la circonscription située dans le Connecticut comporte les chantiers navales de General Dynamics’ Electric Boat, rend responsable du retard des "problèmes bureaucratiques des 2 côtés," et a châtié les galonnés de la Navy presqu’aussi souvent qu’il a fait le voyage de Taiwan pour essayer de relancer le projet.

En public, la Navy soutient la vente des sous-marins, et de hauts responsables déclarent qu’ils sont assurés de le mener à bien dès lors que Taiwan aura débloqué les fonds. "La Navy soutient cet accord, respectant ce que le Président a signé en 2001," a indiqué un porte-parole.

Mais la Navy, avec un long passé de blocage des exportations de sous-marins diesel, a érigé des barrières pour rendre les sous-marins économiquement sans intérêt, et peut-être même infaisables, pour Taiwan, selon plusieurs anciens responsables de l’administration.

Une estimation indépendante des coûts obtenue par la Navy en 2002 mettait le montant de la facture pour 8 sous-marins à environ 12 milliards de $ — un montant beaucoup plus élevé qu’auparavant, et que des estimations non-officielles, une estimation rapidement décriée par les responsables de Taiwan comme exorbitante.

Néanmoins, la Navy a systématiquement exigé que Taiwan finance la totalité du projet, en une seule fois, avant même que les Taiwanais ne puissent examiner les plans. Cependant, l’un des mémos d’août 2005 obtenus par CongressDaily indiquait que la Navy avait l’intention d’avancer avec l’accord "aussitôt que Taiwan se sera engagé sur un montant de financement en rapport avec l’estimation des coûts du programme."

"Vous rendez un accord presque impossible quand vous dites à un gouvernement étranger qu’il doit financer la totalité du programme sans avoir vu un seul plan," déclare Dan Blumenthal, ancien directeur pour la Chine et Taiwan au Pentagone. "Le résultat est que le programme est gelé."

En outre, de hauts reponsables de la défense ont limité en 2004 le rôle de Taiwan dans le programme aux réparations et à la maintenance, réduisant à néant les efforts de Taiwan de créer sur place des emplois en participant à la construction des sous-marins.

Selon d’anciens responsables, la principale inquiétude de la Navy est qu’ils craignent, en allant de l’avant avec les sous-marins de Taiwan, de démanteler la force sous-marine entièrement nucléaire de l’US Navy. Si les constructeurs américains, dont aucun n’a construit de sous-marin diesel depuis plus de 40 ans, revenaient à la construction de sous-marins diesel, la Navy craint qu’un Congrès omnubilé par le budget puisse choisir des navires moins chers, mais aussi moins capables, pour la flotte américaine.

Beaucoup de responsables américains préféreraient aussi que Taiwan achète à la place des avions de patrouille maritime P-3C ainsi que des systèmes anti-missiles PAC-3, approuvés dans un accord ultérieur. Le Pentagone voit de plus en plus ces technologies comme beaucoup plus nécessaires à la défense de Taiwan dans l’hypothèse d’une offensive de la Chine.

"Les personnes impliquées dans ce projet complexe et très exigeant en temps, sentent qu’il y a de meilleurs priorités, compte-tenu de la situation de la défense de Taiwan," a indiqué Therese Shaheen, qui a été entre 2002 et 2004 la dirigeante à Washington de l’American Institute à Taiwan, que le gouvernement américain utilise à la place d’une ambassade.

Malgré la résistance de la Navy, la plupart des anciens responsables sont d’accord que Taiwan pourrait aider à faire avancer l’accord en fournissant les fonds. En effet, des responsables du Pentagone sont de plus en plus contrariés que Taiwan ne passe pas de budget de la défense qui "s’approche de ce qui est nécessaire à Taiwan pour remplir ses besoins de défense," a indiqué Shaheen.

Simmons, qui parle couramment le Mandarin et a été stationné à Taiwan dans les années 70 comme officier de la CIA, a fait en février le voyage de Taiwan pour proposer un plan de compromis dont il pense qu’il rend l’accord plus acceptable.

Il a suggéré que Taiwan paie maintenant environ 225 millions $ pour la conception des sous-marins, et paie ensuite les milliards nécessaires à la construction et à l’achat des sous-marins. Son but est d’obtenir un engagement financier de Taiwan pour permettre à l’industrie U.S. de commencer la conception des sous-marins.

"Une fois [la conception] effectuée, alors vous savez ce que vous aurez pour le reste de l’argent," indique Simmons. "Je vois un énorme problème à essayer de vendre le programme en une seule fois."

Les militaires de Taiwan veulent que les parlementaires acceptent le plan Simmons, mais un ancien responsable gouvernemental américain qui a une connaissance directe du dossier, indique que les responsables de la Navy continuent d’exiger la totalité des 12 milliards avant de lancer les travaux.

Des experts pensent que la Navy abandonnerait ses tactiques de retardement seulement si on faisait pression en ce sens. "La Navy aura besoin des dirigeants du Congrès et de l’administration pour trouver des solutions créatives pour le programme de sous-marins, ou la vitesse actuelle va continuer," estime Blumenthal.

Source : GovExec.com - USA