Le fleuron de la lutte contre la piraterie dans l’Océan (…)
Outre la surveillance de l’espace aéro-maritime qu’il (…)
Le chef d’état-major de la marine nationale, l’amiral Pierre-François Forissier, étudie les moyens de coopérer plus étroitement avec la Royal Navy, puisque la Grande-Bretagne et la France conservent la volonté de faire naviguer leurs bâtiments en tous points du globe malgré la réduction des budgets militaires.
La recherche par l’amiral Forissier de domaines communs avec ses homologues d’outre-Manche, sera probablement facilitée par un penchant anglophile. Il a récemment assisté à une réception donnée par la White Ensign Association, une association britannique qui vient en aide aux familles des personnels de la Navy et des Royal Marine.
Et, signe que la rivalité en mer entre les 2 marines est véritablement terminée, le porte-avions français Charles de Gaulle a participé à la revue navale destinée à commémorer le 200è anniversaire de la bataille de Trafalgar, la victoire de 1805 remportée par l’amiral britannique Horatio Nelson sur la flotte de Napoléon.
Q. Les ministres britannique et français de la défense ont exprimé leur souhait d’approfondir la coopération militaire. Quelles sont les possibilités dans le domaine naval ?
R. Nous attendons les résultats du sommet franco-britannique du début novembre. Mais nous savons que ce sommet nous donnera la direction à suivre.
Mais, cela ne sera pas révolutionnaire puisque nous travaillons depuis plus de 10 ans dans le cadre du processus de St. Malo. Nous avons une lettre d’intention signée par les différentes armées. Je travaille dans le cadre de la lettre d’intention de la marine, qui prévoit un rapport annuel à nos ministres respectifs sur l’état d’avancement. Les sujets de coopération ont, dès lors, été identifiés depuis bien longtemps. Je pense que nous allons aller plus loin et plus en profondeur.
Il y aura une nouveauté. Jusqu’à présent, nous avions une lettre d’intention pour chaque armée, et nous travaillons maintenant à une lettre d’intention interarmées, pour avoir une vision globale de nos ressources, qui sont de plus en plus communes au niveau des équipements. Dans les 3 armées françaises, nous avons le même missile Aster, qui va entrer en service dans la Royal Navy sur les frégates 45. Plus nous aurons des équipements en commun, plus les opportunités de travailler ensemble seront importantes.
Q. Un programme commun est-il possible ?
R. Nous avons déjà tenté cela par le passé, dans le programme Horizon, qui a conduit aux frégates Horizon en France et en Italie, et à la frégate Type 45 en Grande-Bretagne. Le fait que le programme ait divergé, était principalement dû aux politiques industrielles des pays concernés plutôt qu’aux politiques militaires.
Nous avons encore un projet de porte-avions. Les choses ont divergé parce que nos calendriers n’étaient pas les mêmes, pour des raisons opérationnelles et principalement financières. Ce n’est pas une raison pour ne pas continuer à essayer de faire des programmes communs.
Ce n’est pas de ma compétence, mais à cause des problèmes budgétaires, une meilleure synergie de nos industries est plus que jamais nécessaire. Lorsque nous aurons harmonisé nos politiques industrielles, nous serons capables de réellement travailler ensemble. Il n’y a pas de raisons que nous n’y arrivions pas. Nous l’avons fait dans l’aviation civile avec Airbus. Nous l’avions fait avec l’avion de patrouille maritime Atlantique [1]. On sent bien la tendance générale ; reste à connaître la vitesse d’évolution. J’espère que l’un des aspects positifs de la crise sera d’accélérer le processus de convergence.
Q. Il y a eu des discutions de coopération sur les porte-avions et la dissuasion nucléaire. Quelle est votre vision de la coopération ?
R. Lorsque vous êtes à bord d’un bâtiment britannique, vous êtes en territoire britannique, et vice versa lorsque vous êtes sur un bâtiment français. C’est la souveraineté nationale. Je ne crois pas du tout à la possibilité de mélanger les bâtiments. Plus les bâtiments seront similaires, plus étroitement nous pouvons travailler ensemble et les entretenir de même. L’idéal serait que, si nous avions les mêmes bâtiments, nous puissions avoir le même stock de rechanges.
Chaque marine travaille selon ses traditions et sa culture. Chaque bâtiment, chaque avion est une boite noire. Les procédures de l’OTAN permettent la connexion entre ces boites noires. Ce que nous essayons de faire est de trouver des convergences dans ce que nous faisons à l’intérieur de nos bâtiments. Parce que plus nous aurons des procédures opérationnelles similaires, plus nous pourrons partager en matière d’entraînement et de doctrine -ce qui constitue une part importante de notre travail et de notre budget-, et, bien sûr en matière d’entretien.
Q. Quel effet aura les réductions de budget sur la marine nationale ?
R. Nous devrons réduire le nombre de jours de mer, le nombre d’heures de vol. Pour l’instant, c’est encore gérable puisque nous estimons la réduction à environ 10%. Même si cela règle les choses pour 2011, cela ne résout rien sur le long terme. Si la reprise n’intervient pas dans les prochains mois, nous devrons faire des choix. Le Livre Blanc de 2008 envisageait une révision de la situation en 2012. Nous y serons peut-être contraints plus tôt que prévu et, si tel es le cas, l’important ne sera pas de faire des coupes sauvages mais d’établir une nouvelle cohérence dans un volume plus petit.
Q. Comment voyez-vous l’accord, avec DCNS, d’armer la corvette Hermès en personnel ?
R. C’est un accord gagnant-gagnant. Nous devons définir le bâtiment dont nous aurons besoin à l’avenir. DCNS doit être présent sur le marché avec un navire réel et non pas virtuel. DCNS construit un navire sur ses fonds propres pour définir le concept et montrer son savoir-faire. Nous prenons le navire, nous le mettons en œuvre, nous lui donnons le label “Marine Nationale” et nous acquérons une expérience opérationnelle à la mer sur ce type de bâtiment.
L’idée est que cette classe de bâtiment, qui répond aux besoins de plusieurs marines, va rencontrer un succès à l’exportation, et, l’expérience de ce navire aidant, nous gagnerons plusieurs années de coûteux développements. Nous pourrons le modifier à la lumière de notre expérience — peut-être que nous aurons besoin d’un navire plus gros ou plus petit, ou avec des équipements différents, mais nous partirons d’une base connue. Nous pourrons maîtriser les coûts de modification dans notre futur programme. Nous espérons signer un accord entre l’Etat et DCNS dans les toutes prochaines semaines.
Q. Qu’en est-il du renouvellement de la flotte de pétroliers logistiques, compte tenu du besoin opérationnel et du manque de financement ?
R. Nous travaillons avec des partenaires étrangers pour définir des besoins communs. Nous avons besoin de 4 ou 5 pétroliers. Nous sommes intéressés par un programme en commun sur un nombre suffisamment important de navires pour en réduire le coût unitaire. Nous en sommes à la phase d’études. Bien évidemment, nous en discutons avec les Britanniques. Nous discutons aussi avec d’autres marines puisque toutes les marines européennes ont besoin de ce type de bâtiments. Comme ce type de navires n’est pas armé, la convergence est plus facile à atteindre qu’avec des bâtiments de combat.
Q. Est-ce que les contrats d’entretien signés pour les flottes de surface et sous-marine ont donné satisfaction ?
R. Ils ont donné d’excellents résultats. Le taux moyen de disponibilité de nos bâtiments est de 73% contre moins de 60% il y a 15 ans, et nous payions, alors, plus cher. Nous rencontrons, de temps à autre, des difficultés liées de l’âge de nos bâtiments. Il y a des bâtiments vieux de 30 ou 40 ans pour lesquels il est très dur de trouver des rechanges. Nous devons donc en faire refabriquer, et cela coûte très cher. Comme nous remplaçons les vieux bâtiments, cela va nous permettre de réaliser des économies de plus de 10%.
Q. Comment allez-vous participer aux campagnes pour vendre des frégates FREMM au Brésil et à la Grèce ?
R. Nous montrons ce que nous savons faire, nous expliquons comment nous avons conçu ces bâtiments et en soulignons les avantages. D’un prix assez raisonnable, elles disposent de capacités opérationnelles remarquables, d’un sonar actif très basse fréquence très performant, ont la capacité d’embarquer un hélicoptère NH90 et celle de lancer des missiles de croisière. Pour un bâtiment capable de faire tout cela à ce prix, il n’y a pas beaucoup de concurrence sur le marché.
Ce bâtiment a été optimisé quant aux coûts de maintenance et de mise en œuvre opérationnelle. L’équipage est réduit à 108 marins. Il n’y a pas, sur le marché, beaucoup de bâtiments de cette taille avec 108 marins. Les besoins de maintenance ont été pris en compte au stade de la conception. C’est un bâtiment de très haute qualité, d’un prix d’achat raisonnable, dont le coût de maintenance devrait l’être aussi. Nous expliquons tout cela aux marines lorsque nous avons l’occasion de discuter avec elles. En dernier ressort, c’est le client qui décide.
Q. Qu’en est-il de l’armement du sous-marin nucléaire Le Terrible avec le nouveau missile balistique M51 ?
R. Le M51 et le Terrible sont aptes au service. Nous devons maintenant embarquer les 16 missiles M51. Le sous-marin rentrera dans le cycle opérationnel à la fin de l’année ou au début de l’an prochain et, au printemps, nous devrions savoir s’il répond, parfaitement ou non, aux spécifications.
Q. Qu’apporte à la marine l’arrivée des 2 frégates de défense aérienne Horizon ?
R. Elles remplissent le vide capacitaire. Depuis 3 ans, nous n’avions que 2 frégates de défense aérienne pour un modèle [de marine] qui en demandait 4. Lorsque l’on a 2 frégates de défense aérienne, une est parfois en entretien, et il n’y en a, alors, qu’une disponible. Cela signifie que l’on ne peut déployer qu’un seul task group avec une protection anti-aérienne. Jusqu’à l’entrée en service du Forbin et du Chevalier Paul , même si voulons déployer le porte-avions et un groupe amphibie, nous ne pourrons en déployer qu’un seul.
Ces bâtiments sont adaptés aux technologies modernes et les technologies embarquées sont adaptées aux menaces. Nos anciens bâtiments de défense aérienne ont été conçus pour les menaces aériennes et de missiles des années 70. Il y a eu des progrès importants réalisés depuis dans ce domaine, en particulier dans la furtivité et la manœuvrabilité des missiles. Pendant les opérations au large du Liban en 2006, nous avons découvert que des groupes comme le Hezbollah pouvaient lancer un missile anti-navire depuis un remorqueur.
Q. Et le 2è porte-avions ?
R. Le 2è porte-avions reste objectivement un besoin militaire pour la France. Nous savons que trouver le financement n’est pas facile, compte-tenu de la crise.
Le Charles de Gaulle est dans le cycle opérationnel depuis quelque temps, et appareille bientôt pour l’océan Indien [2]. Le porte-avions aura été non opérationnel pendant 3 ans, d’où le besoin d’un second bâtiment. Mais nous savons très bien que combler ce manque exige des budgets qui sont très durs à obtenir. Le risque est que, en cherchant à obtenir un 2è porte-avions, nous ayons moins de frégates et de sous-marins. Notre objectif est d’avoir une marine dont la cohérence globale est préservée. Les choix ne sont pas faciles, mais nous sommes obligés de les faire.
– Entretien : Pierre Tran (Defense News) – Traduction : Gilles Corlobé (Portail des sous-marins)
[1] Il faudrait plutôt comprendre « Atlantic » car le programme « Atlantique » fut proprement français
[2] Cet entretien a été réalisé avant les problèmes qu’a rencontrés le porte-avions.
Source : Defense News (Etats-Unis)