Les marines de l’OTAN stopperont-elles les pirates somaliens ?

  • Dernière mise à jour le 27 octobre 2008.

La France a remporté une importante victoire contre les pirates qui s’attaquent à la navigation commerciale autour de la Corne de l’Afrique, lorsqu’elle a arrêté 9 d’entre eux en mer pendant un raid dans le golfe d’Aden.

Mais les racines du problème de la piraterie en Somalie reposent sur l’absence d’état à terre, raison pour laquelle beaucoup s’interrogent sur l’efficacité que peut avoir l’action navale de la France — ou des patrouilles de l’OTAN qui doivent commencer dans les prochains jours — pour dissuader les pirates. Les 9 arrêtés par la marine nationale, après tout, se sont vus confisqués leurs armes, puis ont été remis aux mêmes autorités somaliennes qui n’ont pas réussi à les empêcher d’agir en premier lieu.

"Après avoir obtenu des assurances des responsables locaux en Somalie, qu’ils seront jugés et que leurs droits fondamentaux seraient respectés, nous les avons remis aux autorités locales," a déclaré un porte-parole du ministère français de la défense, le général Christian Baptiste. "Cette opération indique aux pirates de la région que continuer leurs activités va devenir plus dangereux et plus cher pour eux."

Peut-être. Mais seulement si les autorités de la région auto-proclamée autonome du Puntland respectent leur part du marché. Et un regard sur le contrôle de la piraterie par les autorités du Puntland et d’ailleurs en Somalie inspire peu confiance. Les pirates accomplissent leur industrie lucrative en toute impunité depuis des villages de pêcheurs le long de la côte du Puntland, où ils retiennent actuellement au moins 12 navires et plus de 200 membres d’équipage, attendant le paiement de rançons. Le plus connu est le cargo ukrainien Faina, et sa cargaison de chars et d’autres armes, attaqué il y a presque un mois, bien que quelques 73 navires aient été capturés cette année, rapportant aux pirates quelques 30 millions $ de rançon.

La Somalie est un état défaillant depuis qu’elle est ravagée par des conflits claniques dans les années 90, à la suite de la mort du dictateur Siad Barre. Aujourd’hui, elle est gouvernée par une coalition fragile de chefs de guerre installée par l’armée éthiopienne, qui a envahi le pays avec le soutien américain pour renverser une autorité islamiste qui avait, ironiquement, réussi à éradiquer en grande partie la piraterie, mais avait aussi hébergé des terroristes recherchés d’al-Qaeda. Et une partie des chefs de guerre du gouvernement actuel sont accusés par des observateurs internationaux d’être les commanditaires réels de la demi-douzaine de groupes principaux de pirates.

"La plupart des pirates sont liés aux chefs de geurre," avait déclaré en avril dernier Andrew Mwangura, responsable du Seafarers’ Assistance Program. "Et les chefs de guerre sont liés au gouvernement, jusqu’au sommet."

Il peut paraitre surprenant, par conséquent, que, lorsque la France ait arrêté les 9 pirates qui attendait un navire à 100 nautiques des côtes de Somalie, et découvert des fusils d’assaut, des lance-grenades et des grappins, ils aient simplement confisqué les embarcations et les armes, et remis les pirates aux autorités à terre. Les rançons estimées à 30 millions $ qui ont rempli les coffres des pirates de la région au cours de la dernière année, vont permettre de remplacer facilement le matériel, et, même dans l’éventualité remarquable où les 9 restent derrière les barreaux, les recrues ne manquent pas pour l’une des seules industries en développement en Somalie.

La France a fait de la lutte contre les pirates somaliens une des priorités de ses forces dans la région (la France dispose d’une base militaire permanente à Djibouti). Les navires français et de l’OTAN vont patrouiller au large de la Somalie dans le cadre d’un mandat de l’ONU pour escorter les navires de commerce et ceux qui transportent l’assistance humanitaire vers les régions touchées par la sécheresse, et pour débarrasser la région des pirates avant qu’ils ne frappent. En avril dernier, les forces françaises avaient pris d’assaut le voilier Le Ponant pour secourir 30 vacanciers et membres d’équipage pris en otage par des pirates somaliens. Six de ces pirates, plus 6 autres capturés après une autre intervention, attendent maintenant leur procès à Paris.

La différence entre les prisonniers qui vont être jugés à Paris et ceux remis au Puntland, explique le général Baptiste, c’est que la loi français permet de juger ceux qui ont attaqué des citoyens français, mais qu’elle ne s’étend pas facilement aux pirates qui attendent de frapper dans les eaux internationales. Et, même si le général Baptiste n’en dit pas autant, il y a des raisons de croire que les français puissent en avoir appris suffisamment en interrogeant les 9 pirates pour qu’il soit politiquement dangereux pour leurs maîtres chefs de guerre de les faire libérer. "Nous savons qui sont les pirates, d’où ils viennent, à quel clan ils appartiennent — nous en savons beaucoup," indique le général Baptiste. "Si nous apprenons qu’ils ont disparu, nous aurons aussi de bonnes raisons de penser pourquoi c’est arrivé."

Les français espèrent que, si les 9 sont jugés et emprisonnés par les autorités somaliennes, l’industrie de la piraterie pourrait commencer à disparaitre. Pour l’instant, cependant, les pirates du Puntland ne semblent pas ressentir le besoin de paniquer.

Source : Time Magazine (Etats-Unis)